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Mali : A quoi sert l’AEEM ?
Publié le jeudi 3 juillet 2014  |  Le Flambeau




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Un étudiant, vivant dans un quartier éloigné de Bamako, aurait séché les cours aujourd’hui si sa sœur ne lui avait pas donné 2000FCFA hier soir. Un autre, incapable de payer une place dans le transport en commun, tombe de fatigue parce qu’il vient de marcher des distances tout sauf pédestres pour rallier la Faculté. Un troisième exprime toute la pitié que lui inspire son camarade étudiant vivant sur le campus, qui, à force d’attendre en vain le modique trousseau de 35000FCFA, a fait le deuil du petit déjeuner et du dîner, et se contente de prendre le déjeuner. Et quel déjeuner !

A l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako, la question des bourses et trousseaux perdure depuis bientôt quatre mois. Quatre mois que tous les étudiants réguliers attendent le trousseau qui aurait dû être perçu avant la rentrée. Les étudiants sont passés de la colère à la déception, de la déception à la résignation, car c’est une réalité qui finalement les dépasse. Un destin, un sort scellé contre lesquels ils sont impuissants. Pourquoi la même situation se répète-t-elle année après année ? Les étudiants que j’ai consultés répondent comme des boxeurs knock-outés : « C’est parce qu’ils veulent que ça soit ainsi ! Sinon, rien ne justifie le retard pris dans le paiement des trousseaux. Ils nous expliquent que les inscriptions ont pris du retard. C’est ridicule, ça n’a rien à voir, puisque le trousseau est octroyé à tous les étudiants réguliers. Nous en avons assez de leurs couillonneries ! » Contrairement à se qui se passe à l’Université des Lettres et des Sciences Humaines, les étudiants des trois autres universités ont perçu le trousseau et déjà quelques mois de bourses.

La seule justification que l’administration trouve à donner, c’est le retard accusé dans la proclamation des résultats et dans les inscriptions, ce que les étudiants jugent irrecevable. C’est connu, l’octroi à temps des bourses et trousseaux est une affaire sérieuse. Un problème critique mais répétitif, malgré la bancarisation des bourses. La division de l’Université de Bamako en quatre grandes entités distinctes n’y a rien changé. A ce problème récurrent s’ajoutent le manque de professeurs et de salles de classe, l’effectif pléthorique dans les amphis, l’absence de bibliothèque dans les Facultés…

Les conditions ne sont pas réunies pour prétendre à des universités et des étudiants dignes de ce nom. « Même 10% des conditions pour bien étudier ne sont pas réunies ici ! », m’a confié vendredi, au cours d’une discussion, un professeur d’allemand déçu devant l’incapacité de deux étudiantes en DEUG II Allemand de répondre à la question « Woher kommst du ? » (D’où viens-tu ?)


Ni le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, ni le Centre National des Œuvres Universitaires (CENOU) ne semblent considérer la question des bourses et trousseaux comme dramatique. Toutes les difficultés qui assaillent les étudiants, qu’elles soient pour survivre ou pour étudier, remettent en question l’utilité de l’Association des Elèves et Etudiants du Mali (AEEM). Il est de notoriété publique que ce mouvement scolaire et étudiant a acquis une si triste image que beaucoup estiment qu’il a perdu sa raison d’être. Ces dernières années, en effet, le syndicat étudiant s’est montré divisé, miné par des querelles et des affrontements internes d’une rare violence. Ses membres méprisent les étudiants « ordinaires », les brutalisent, les corrompent pour un oui, pour un non…

Ce mouvement, qui devrait user de la violence intellectuelle pour défendre les intérêts de tous les étudiants, est devenu le bastion de la violence physique et de la corruption… Un nid des cancres, fripouilles et voleurs. L’AEEM s’est dévoyée et est allée à la dérive.
Depuis trois mois, le comité AEEM de la Faculté des Lettres, Langues et des Sciences du Langage gave les étudiants de promesses. Ses membres, aussi peu informés que les autres étudiants, passent le plus clair de leur temps à promettre les trousseaux pour telle ou telle date. Macache ! Il fut un temps, la grève constituait l’arme favorite de revendication à l’honneur au sein de l’AEEM. Aujourd’hui, ils préfèrent « revendiquer en restant en classe ».

L’efficacité d’un tel choix prête à débat. Il faut dire les choses ! Je n’adhère pas à cette manière. Un étudiant qui vit sur le campus, loin des parents laissés au village, peut difficilement avoir la tête aux études tant qu’il ne bénéficie pas de ce à quoi il a droit, c’est-à-dire le versement de la bourse totale et du trousseau. A quoi cela sert-il de réduire les étudiants à l’état de pitres, contraints d’étudier au péril de leur santé morale, voire physique ? Ce dysfonctionnement, on l’a dit, ne date pas d’aujourd’hui. Sa persistance n’est que le symptôme du déficit de volonté des autorités pour sortir la planète universitaire malienne de la torpeur dans laquelle elle est en train de s’engourdir définitivement.

Boubacar Sangaré

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