Il y a de forte chance qu’en décembre 2014, le conseil d’administration du FMI approuve la facilité élargie de crédit en faveur du Mali. Après avoir soupçonné, à juste raison, le gouvernement malien de mauvaise gestion, le FMI, à l’issue d’une mission à Bamako, vient d’entrevoir la possibilité de reprendre la coopération avec le Mali. Mais à quelles conditions ?
A l’issue d’un séjour à Bamako du 11 au 25 septembre 2014, une mission du Fonds monétaire international dirigée par Christian Josz, a co-animé une conférence de presse avec Mme Bouaré Fily Sissoko, ministre des finances, le 26 septembre 2014, à l’hôtel des finances. « La mission est parvenue à un accord qui permettra de proposer la conclusion des premières et deuxièmes revues du programme de la facilité élargie de crédit », a indiqué Christian Josz. Avant d’ajouter que ces revues seront soumises à l’approbation du Conseil d’administration du FMI en décembre 2014.
« Les problèmes relatifs aux dépenses extrabudgétaires, liés à un avion présidentiel et à un contrat militaire, qui avaient retardé la première revue, initialement programmée pour juin, ont été résolus », a-t-il indiqué. Il est même allé jusqu’à lever le voile sur les conditions imposées au gouvernement malien, pour que le FMI revienne sur sa position de suspendre son aide au Mali. Il ressort du communiqué lu par Christian Josz que le Gouvernement malien s’est engagé à publier dans les plus brefs délais les deux rapports indépendants d’audit sur l’achat de l’avion et le marché au niveau du ministère de la défense. En effet, on se souvient que le Bureau du vérificateur général et la cours des comptes du Mali, sur demande du FMI, avaient été chargés de faire l’audit de ces deux marchés. Et, à croire Mme Sissoko Fily Bouaré, ministre des Finances, si la cours des comptes constate que ces deux marchés ont été passés en respectant les lois en vigueur au Mali, le Bureau du vérificateur général dans son rapport provisoire a mis en exergue une surfacturation de 26 milliards de FCFA dans le marché au niveau du ministère de la défense. En plus de la publication des rapports, le FMI a exigé que le Gouvernement malien, prenne rapidement des dispositions pour corriger les surfacturations des contrats militaires.
Et, là sans attendre, on apprend que des contrats ont été annulés. Aussi, le FMI dans sa toute puissance, requinqué d’avoir pris le gouvernement malien la main dans le sac, a décidé d’obliger les autorités maliennes à s’imposer des règles de bonne gouvernance qui impliquent la sanction des fautes de gestion. A cet effet, le FMI a demandé au Gouvernement malien de lui faire une communication relative aux processus de sanctions de toutes les personnes qui seraient impliquées dans cette malversation financière. Ce qui nous fait dire que très prochainement des têtes devront tombées. Et, non des moindres, car la couleuvre est trop grosse pour qu’elle ait été avalée par des menus fretins. Le FMI a aussi exigé que le Gouvernement malien applique des contrôles rigoureux aux futurs marchés militaires. Mieux, il a exigé l’incorporation de toutes les dépenses extrabudgétaires au budget de l’Etat et leur élimination dans l’avenir. Et, sans attendre que la mission du FMI quitte Bamako, le Gouvernement malien, illico presto, a organisé le vendredi 19 septembre 2014, un Conseil extraordinaire sous la présidence du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, pour adopter un projet de décret fixant le régime des marchés de travaux, de fournitures et de services exclus du champ d’application du Décret n°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public.
En effet, le code des marchés publics, en son article 8, prévoyait que les marchés de travaux, de fournitures et de services relatifs aux besoins de défense et de sécurité nationales exigeant le secret ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’Etat est incompatible avec des mesures de publicité sont exclus de son champ d’application. En voulant cacher au peuple malien que c’est sous la pression du FMI que le gouvernement prenait cette décision, le ministère des finances n’a trouvé mieux que de se cacher derrière la formule consacrée : « Compte tenu des difficultés d’application que cette disposition dérogatoire a connues dans la pratique, il est apparu nécessaire d’en définir les conditions, notamment en fixant des règles propres à la passation des marchés concernés ». En conclusion sur exigence du FMI, le Gouvernement malien a décidé de la relecture de l’article 8, considéré comme la porte ouverte à toutes sortes de malversations financières.
Le Mali va reprendre avec le FMI. Mais, au nom du changement souhaité par l’ensemble du peuple malien et surtout au nom du mandat présidentiel dédié à la lutte contre la corruption, IBK doit profiter de ce dossier pour donner le ton. A défaut, le peuple pourrait douter de sa bonne foi. En tout cas, qui aurait cru qu’en cette période difficile pour le Mali, où le pays tente de sortir du gouffre de la mauvaise gouvernance qui a détruit son instrument de défense nationale que des maliens allaient encore se donner le luxe de vider de façon éhontée les caisses de l’Etat.
Assane Koné