Le phénomène reste encore sous-estimé par les décideurs alors que ses effets sont dévastateurs.
Tenue à l’hôtel Mandé en présence d’acteurs intervenants dans le domaine de la nutrition dans notre pays, la conférence-débat avait la résonnance d’un signal d’alerte. Les ONG Welt Hunger Hilfe, International Food Policy Research Institute, et ACTED ont procédé mercredi dernier à la présentation du rapport 2014 de l’indice de la faim dans le monde, encore dénommé Global Hunger Index (GHI). Calculé chaque année par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPR), le GHI vise à inciter à la mise en place d’actions concrètes de lutte contre la faim, en suscitant une prise de conscience chez les décideurs et en favorisant une meilleure compréhension des différences régionales et nationales par rapport à la faim.
Afin de refléter la nature multidimensionnelle de la faim, l’Index prend en compte trois indicateurs, également pondérés, réunis en un seul indice. Il s’agit de la sous-alimentation, de l’insuffisance pondérale infantile et de la mortalité infantile. Cette année, ces ONG ont articulé leur exposé autour du thème « Le défi de la faim invisible dans le monde ». Thème d’actualité puisqu’il porte sur un fléau qui d’après les statistiques de la FAO touche en 2013 plus de 2 milliards de personnes, soit un individu sur trois dans le monde.
La faim invisible est une forme de sous-alimentation survenant lorsque l’apport ou l’absorption de vitamines et minéraux ou oligo-éléments (comme le zinc, l’iode ou le fer) ne suffisent pas à assurer une bonne santé et un bon développement. Les facteurs contribuant à ces carences en micronutriments sont multiples. Ils peuvent être constitués par une mauvaise alimentation, par des besoins accrus en micronutriments pendant certaines périodes de la vie comme la grossesse ou l’allaitement, ou encore par des problèmes de santé (maladies, infections, parasites).
La faim invisible peut provoquer des effets dévastateurs, parfois mortels, chez ceux qui en sont victimes. Elle provoque en effet des déficiences mentales, des problèmes de santé ou encore une productivité altérée. Ses effets sont particulièrement préoccupants chez les enfants, dont la santé et la survie sont menacées. Les carences intervenant au cours des 1 000 premiers jours de la vie, entre la grossesse et les deux ans de l’enfant, auront des conséquences physiques et cognitives graves. Des carences même légères ou modérées peuvent elles aussi affecter le bien-être et le développement d’une personne. On comprend donc qu’en plus de son impact sur la santé humaine, la faim invisible peut entraver le développement socioéconomique, en particulier dans les pays à revenu faible ou modéré.
Des progrès considérables ont été réalisés dans la lutte contre la faim depuis 1990. Le GHI 2014 est passé à 12,5 en 2014, ce qui représente une diminution de 39%. En dépit de ces avancées, le nombre de personnes dans le monde souffrant de la faim demeure inacceptable, selon les initiateurs du rapport. Au cours de la période 2011-2013, environ 805 millions de personnes souffraient de sous-alimentation chronique. En outre, les différentes moyennes mondiales masquent des disparités importantes entre régions et pays.
Si la communauté internationale reconnaît depuis longtemps l’importance de la sécurité alimentaire, elle n’a toujours pas accordé à assez d’attention à la question de la faim invisible, qui constitue aujourd’hui un problème majeur et dont les dégâts – humains, sociétaux et économiques – restent dévastateurs. L’un des défis majeurs à l’avenir sera de mettre en lumière l’importance de la qualité de l’alimentation. A cet égard, l’engagement et le leadership politique en matière de sécurité alimentaire et nutritive doit répondre au plus vite à l’énorme défi de la faim invisible.
C’est la préoccupation soulevée par Bernd Schwenk, directeur régional Afrique de l’Ouest/Sahel de Welt Hunger Hilfe. Ce dernier, tout en reconnaissant que plusieurs pays, notamment ceux en voie de développement, ont enregistré des améliorations très importantes en matière de sécurité alimentaire, a souhaité une plus grande implication des gouvernements et bailleurs de fonds dans la lutte contre la faim. Il a estimé le cas du Mali toujours inquiétant surtout avec la croissance démographique, mais s’est dit optimiste quant à l’avenir.
BAYA TRAORÉ