Tous les protagonistes du processus de paix ont exprimé leur volonté de parvenir à un accord, avant de plancher sur le document de synthèse soumis par la médiation.
La troisième phase des pourparlers d’Alger a débuté officiellement hier en présence des délégations de toutes les parties prenantes au processus. La délégation gouvernementale est conduite par le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop. Les groupes armés sont regroupés en deux blocs. D’un côté la coordination des mouvements de l’Azawad, avec à sa tête Bilal Ag Chérif du MNLA, qui comprend le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA tendance radicale).
De l’autre, les mouvements signataires de la plateforme d’Alger conduits par Me Harouna Toureh de la CMFR et composés de la Coalition du peuple de l’Azawad (CPA), du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA tendance modérée), de la Coordination des mouvements et forces de résistance (CMFR) et du Groupe d’autodéfense Touareg Imghad et Alliés (GATIA).
La cérémonie d’ouverture a commencé par les interventions des représentants de l’Algérie, de la Mauritanie, du Burkina, du Niger et du Tchad. Tous ont exhorté les « frères maliens » à aller vers la paix dans le respect de l’intégrité territoriale, de l’unité nationale et de la laïcité de l’Etat. Les représentants du Niger et du Tchad n’ont pas manqué de rappeler que cette troisième phase des négociations s’ouvre dans une situation très tendue sur le terrain marquée par la dégradation sécuritaire. Ils ont dénoncé les attaques meurtrières dont ont été victimes leurs contingents militaires qui opèrent au sein de la MINUSMA. Des attaques qui n’ont pas non plus épargné les populations civiles. Estimant que le temps joue contre la paix et la sécurité dans cette zone où les terroristes sont massivement de retour, ils ont appelé le gouvernement et les groupes armés à parvenir à un accord dans un délai court.
Cette urgence a également été soulignée par les représentants de la médiation internationale (Nations unies, Union africaine, Union européenne, Cédéao, OCI). « S’il est vrai qu’un accord doit être signé dans un esprit gagnant-gagnant, il faudra tenir compte aussi du facteur temps », a recommandé le haut représentant de l’Union africaine au Mali, Pierre Buyoya, tout en demandant aux groupes armés de cesser les hostilités sur le terrain.
Pour le représentant de l’Union européenne au Sahel, Michel Reveyrand de Menthon, cette troisième étape des pourparlers doit être une occasion de faire avancer les travaux de recherche de solution à cette crise. Selon lui, il est impératif de trouver un accord de paix applicable.
GARDER LES PIEDS SUR TERRE. Quant au représentant adjoint du secrétaire général des Nations unies au Mali, Arnaud Akodjenou, il a renouvelé l’accompagnement de l’ONU au processus de dialogue dans notre pays, tout en souhaitant que ce processus puisse aboutir à un accord de paix global et définitif. « Au nom de l’intérêt supérieur commun, les parties ont entre leurs mains la solution pour arriver à la paix et à la stabilité au Mali et dans la sous région. Elles doivent faire en sorte que la paix fortement attendue devienne une réalité », a-t-il souhaité.
Dans intervention, le ministre Diop a, tout d’abord, salué l’engagement constant du peuple algérien au côté du peule malien depuis des années. Il a aussi salué l’ensemble de l’équipe de la médiation et les pays voisins qui investissent beaucoup d’efforts dans le règlement de la crise malienne. Le chef de la diplomatie a réitéré l’engagement du gouvernement de tout mettre en œuvre, de la façon la plus constructive et positive, pour ramener la paix que tous les Maliens attendent aujourd’hui. « Nous mesurons la responsabilité commune que nous avons nous tous (gouvernement, mouvements armés) pour répondre aux aspirations de tous les Maliens pour la paix, la stabilité et pour une prospérité partagée pour tous les Maliens », a assuré Abdoulaye Diop.
Par ailleurs, le ministre Diop a évoqué les étapes décisives qui ont été franchies depuis l’adoption de la feuille de route, tout en espérant que cette nouvelle phase puisse enregistrer des avancées significatives pour rapprocher toutes les parties d’un accord le plus vite possible. Abdoulaye Diop s’est dit préoccupé par la dégradation de la situation sur le terrain. Toutefois, a-t-il dit, il faudra garder les pieds sur terre, pour apporter une réponse vigoureuse à cette situation. Dans cette optique, il a souhaité le renforcement du mandat de la MINUSMA mais surtout sa dotation en moyens adéquats pour être efficace sur le terrain. Tout comme la force française Barkhane doit être soutenue dans ses efforts. « Aujourd’hui, notre ennemi commun, c’est le terrorisme », a-t-il assuré en soulignant l’urgence de travailler ensemble pour vaincre cet ennemi.
Le ministre Diop a aussi condamné les attaques entre groupes armés, appelant à la cessation immédiate des récentes hostilités. Enfin, le chef de la diplomatie a réitéré la volonté du gouvernement de respecter tous les engagements pris pour instaurer la paix et la stabilité au Mali.
Le porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (MNLA, HCUA et MAA tendance radicale), Ambéry Ag Rhissa, a, lui, salué l’Algérie et la Communauté internationale pour avoir gagné le pari de faire en sorte que les frères maliens discutent de la manière la plus pacifique, courtoise, digne et équitable. Tout en réaffirmant la volonté de son groupement à aller à la paix, Ambéry Ag Rhissa a soulevé certaines interrogations pour la concrétisation de cette paix, notamment les affrontements armés sur le terrain, les violations répétitives du cessez-le-feu, les arrestations arbitraires de personnes œuvrant pour la paix. Selon lui, la réponse à ces questions sera un gage fort pour un grand accord global et définitif à cette crise complexe. Il a invité ainsi la Communauté internationale à peser de tout son poids pour que cet objectif soit atteint à la satisfaction de toutes les parties.
BEAUCOUP DE CHOSES A PARTAGER. Quant au président des mouvements signataires de la plateforme d’Alger, Me Harouna Toureh, il a estimé que cette troisième phase des pourparlers est un tournant décisif pour faire la paix en toute fraternité. Selon lui, le document de synthèse élaboré par la médiation est un document très important car portant sur des éléments de réponse aux préoccupations largement et publiquement exprimées par les groupes armés. « J’aimerai lancer un appel à nos frères de la coordination des mouvements de l’Azawad pour leur dire que nous sommes disposés à les écouter, à les accueillir fraternellement ici, à leur tendre la main pour qu’on puisse ensemble aller à la paix. Pour qu’ensemble, nous nous engagions à construire le nord du Mali mais aussi tout le Mali dans la paix et dans la sérénité. Mais cela n’est pas possible tant qu’on garde en nous quelques obstacles psychologiques ou des ressentiments. Alors qu’au delà des réunions publiques, nous sommes des frères, des amis. Nous nous parlons au téléphone. Nous mangeons ensemble. Nous avons beaucoup de choses à partager car nous sommes de la même terre et nous partageons la même culture », a-t-il plaidé.
Après avoir exprimé sa joie de retrouver toutes les parties engagées dans le processus de paix, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, dira que cette troisième phase doit marquer une avancée déterminante pour mettre fin aux souffrances des populations du nord du Mali. Il a annoncé que le document élaboré par la médiation, à partir des propositions du gouvernement malien et des groupes armés, est la base des efforts qui emmènera tout le monde au bon port. Par ailleurs, le ministre Lamamra a souhaité que les parties unissent leurs forces pour barrer la route aux terroristes qui veulent paralyser le processus de paix. Il a aussi demandé la cessation des hostilités entre les groupes armés et la mise en œuvre d’un plan d’urgence pour venir en aide aux populations du nord.
Après la cérémonie d’ouverture, les parties se sont réunies (sans la presse) autour du document élaboré par la médiation internationale. Comme l’a dit le ministre Diop, ce document qui pourrait être la base du futur accord, doit être soumis à l’appréciation des parties qui ont le droit d’apporter des observations et des amendements.
Envoyé spécial
M. KEITA