Pour ne jamais oublier ceux qui, il y a un siècle, ont souffert et sont morts pour la liberté, les adversaires d’hier sont réunis en vrais partenaires porteurs de paix .
Beaucoup d’émotion, de souvenirs et de moments très forts ont marqué la cérémonie solennelle de commémoration du centenaire de la Grande guerre de 1914-1918, à laquelle le président Ibrahim Boubacar Keïta a participé, mardi après-midi en Belgique, sur invitation du Roi Philippe.
L’éclat de l’évènement a été rehaussé par la présence du couple royal belge, du Premier ministre, du ministre des Affaires étrangères, du gouverneur de la Flandre occidentale, de plusieurs chefs d’Etat et de gouvernements, et personnalités dont la Reine Béatrix des Pays-Bas, la chancelière allemande Angela Merkel, le gouverneur général du Canada, le Grand duc Henri du Luxembourg, le ministre français de la Défense, Jean Yves le Drian, et la princesse marocaine, Lalla Meryem.
La cérémonie s’est déroulée en deux temps, à Nieuport puis à Menin. A Nieuport, le couple royal a été accueilli par les autorités locales aux environs de 15 heures puis installé auprès des invités dans une tribune face au monument au Roi Albert, juché au sommet des écluses. Ce monument symbolise l’amour de son peuple, le courage et la combativité dont le Roi Albert a fait montre durant la guerre.
Le Roi Philippe a présenté les honneurs et passé en revue les détachements avant d’écouter le discours de bienvenue prononcé en plusieurs langues par le gouverneur de la Flandre occidentale. Tour à tour, le Roi, la chancelière allemande et le ministre français de la Défense prendront la parole pour saluer Nieuport, rappeller l’inondation de la plaine de l’Yser, la résistance, le courage et la détermination des soldats belges et rendre hommage à ceux qui sont tombés sur les champs de bataille.
Les 28 et 29 octobre 1914, le Roi Albert avait, en effet, donné l’ordre d’inonder la plaine de l’Yser pour bloquer les troupes allemandes.Toute l’horreur, la douleur, la tristesse et la souffrance causées par cette guerre a été rappelée, décrite, commentée et fustigée.
600 000 MORTS. L’évènement qui réunit les représentants de différents pays en Flandre occidentale est un grand honneur pour les autorités et la population, a souligné le gouverneur de la Flandre avant de rappeler qu’il y a cent ans, la plaine de l’Yser a été inondée à cause d’une guerre qui a ravagé le pays et s’est enlisée pendant 4 ans. « Des deux cotés du front, la vie en a été marquée pour toujours. Des soldats originaires de 50 pays différents ont participé aux combats. C’est une histoire de douleur, de tristesse et de souffrance pour chacun des plus de 600 000 personnes tombées dans notre pays et pour tous ceux qui ont été touchés par ce fléau », a-t-il déploré.
Aujourd’hui, a-t-il fait remarquer, les adversaires d’hier sont réunis en vrais partenaires porteurs de paix. « Avec eux, la Flandre occidentale va continuer à commémorer la Première Guerre mondiale et à rendre hommage aux héros de cette guerre. Elle va également s’engager pour créer plus d’harmonie entre tous les peuples », a-t-il assuré.
«En ce jour historique, nous sommes ici pour rendre hommage à ce qui a animé nos arrières grands parents, ce qui leur a donné la force pour résister », a confirmé le Roi Philippe. Reconstituant l’historique de la tragédie qui s’est déroulée voilà cent ans, le souverain a salué le courage et la détermination dont les soldats belges ont fait preuve dès les premiers jours de la guerre et qui ont permis à l’armée belge de retarder l’invasion allemande. Mais le pays était touché au cœur car la supériorité de l’envahisseur était évidente. Le Roi Albert s’est cependant à abdiquer. Il donna consigne à son armée d’inonder volontairement une partie du terrain envahi dans la nuit du 29 au 30 octobre 1914 à partir du complexe d’écluses où la cérémonie de commémoration s’est déroulée.
Cette initiative, poursuivra le Roi Philippe, permettra de donner un coup d’arrêt définitif à l’invasion. Mais de part et d’autre du front, tous les soldats vivront la même misère, l’enfer dans les tranchées. Le roi rappellera qu’aux cotés des vaillantes armées alliées (France, Grande Bretagne, etc.), les soldats belges ont fait montre de bravoure et de ténacité sans oublier ces centaines de milliers de soldats venus parfois des contrées les plus lointaines comme ces centaines de Congolais qui traverseront à pied leur immense pays pour soutenir la cause des alliés. « La Belgique reconnaissante entretiendra pieusement leur glorieux souvenir. Un peuple montre sa grandeur lorsqu’il défend ses valeurs et chaque année nous renouvelons cette promesse au moment où les coquelicots (des fleurs rouges, ndlr) rappellent le sang versé des vaillants soldats », a-t-il ajouté.
HONNEUR PARTICULIER. Angela Merkel soulignera l’honneur particulier, en tant que chancelière allemande, de prendre la parole à cette tribune après la peine et la douleur que l’Allemagne a infligées à la Belgique. Elle a rappelé que la Belgique a tenu à rendre hommage aux morts, le 4 août dernier, ensemble avec les pays engagés à regarder vers l’avenir. « Compte tenu de tout ce qui s’est passé, si nous sommes aujourd’hui réunis en Flandre, nous ne pouvons que nous réjouir de constater ce qui a changé depuis », a-t-elle souligné. Angela Merkel s’est félicitée du fait qu’après la 2ème Guerre mondiale, les Belges figurent parmi les premiers à tendre la main à l’Allemagne et, depuis, les deux pays évoluent dans des relations d’amitié. La chancelière a saisi l’opportunité pour en remercier la Belgique et les valeurs qu’elle défend.
Jean Yves le Drian a, lui aussi, rappelé qu’il y a cent ans, la neutralité de la Belgique a été bafouée dans la violence et que la France s’est trouvée emportée dans l’engrenage funeste de la guerre. « En 1914, le peuple belge a montré la voie du courage et de l’honneur et c’est par milliers que les Français sont venus se battre auprès de leurs frères d’armes. La célébration qui nous réunit aujourd’hui célèbre leur héroïsme », a t-il indiqué. Ces commémorations ont, a-t-il estimé, « vocation à rassembler les belligérants de 1914 autour d’un idéal commun, celui de l’Europe unie et de la paix qui n’est jamais acquise une fois pour toutes ».
A Menin, à une quarantaine de kilomètre de Nieuport, le Premier ministre belge, Charles Michel, a appelé à combattre les égoïsmes et les replis sur soi en mémoire des victimes de la Première guerre mondiale. Il a aussi a appelé au respect du dialogue et à « ne jamais oublier ceux qui, il y a un siècle, ont souffert et sont morts pour la liberté ».
L’hommage du Commonwealth, rendu par le Gouverneur général du Canada en plusieurs langues, a insisté sur le devoir de ne jamais oublier les horreurs de la guerre et d’honorer ensemble la mémoire des combattants.
Autres temps forts de cette commémoration : l’hymne européen, la minute de silence à la mémoire des morts, la cérémonie du Last Post (la sonnerie aux morts britannique qui retentit chaque soir à Ypres depuis l’inauguration du monument de la Porte de Menin), la lecture par des jeunes de brefs poèmes de soldats contemporains de la période de la guerre. Des textes ont également été lus par les représentants des 7 cultes ou philosophies connues en Belgique.
Au monument de Menin où sont inscrits les noms de 600 000 victimes de la Grande guerre, le Roi a déposé une couronne de fleurs blanches à la mémoire des soldats tombés. Les arches de la Porte de Menin ont ensuite laissé pleuvoir une multitude de coquelicots, une fleur écarlate qui repoussait sur les terres inondées de la plaine de l’Yser et qui symbolise le souvenir perpétuel de ces soldats tombés pour la Belgique et la liberté.
Envoyée spéciale
F. MAÏGA