Les prévisions optimistes de croissance de l’Afrique ont été éclipsées par la plus grave épidémie d’Ebola de l’histoire, qui a déjà coûté la vie à plus de 7.500 personnes sur le continent.
Selon les prévisions faites avant la crise, l’Afrique devait poursuivre sa forte croissance en 2014 et 2015 grâce à des conditions de demande extérieure favorables et à une forte hausse des investissements publics et privés.
Cependant, l’épidémie d’Ebola a assombri ce scénario. Selon des experts, la communauté internationale ne devrait pas relâcher ses efforts malgré le ralentissement de la propagation de l’épidémie mortelle dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest, car les économies des trois pays les plus touchés, à savoir le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée, ont été paralysées et des répercussions ont commencé à se faire ressentir dans d’autres pays africains.
"Cette crise va porter un coup dur à l’Afrique, en fait, elle l’a déjà fait", a résumé Margaret Jowi, une experte kenyane en maladies transmissibles dans une récente interview accordée à Xinhua.
Selon Mme Jowi, le Kenya doit faire face aux pertes colossales essuyées par sa compagnie aérienne nationale, Kenya Airways, qui a perdu plusieurs millions de dollars en quelques mois depuis la propagation de l’épidémie.
"La région africaine a été évitée par le reste du monde", a déploré Mme Jowi.
L’experte a souligné que plusieurs pays africains, y compris ceux épargnés ou moins touchés par le fléau, avaient pâti de perturbations dans les échanges transfrontaliers, les chaînes d’approvisionnement et le tourisme.
De même, la ministre nigériane des Finances Ngozi Okonjo-Iweala a affirmé aux médias en septembre dernier que plusieurs réunions sur les investissements dans le pays avaient été reportées par crainte d’une éventuelle propagation du virus Ebola, malgré le fait que la plus grande économie d’Afrique n’ait pas été gravement touchée par l’épidémie.
Le Nigeria a confirmé sept décès sur les 19 cas d’Ebola recensés dans le pays et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré en octobre dernier que l’épidémie avait pris fin dans le pays.
Sophie-Jane Madden, attachée de presse de Médecins Sans Frontières (MSF), a déclaré à Xinhua qu’il y avait toujours un décalage entre l’action de la communauté internationale et l’évolution de l’épidémie d’Ebola, et qu’une réponse internationale restait à concrétiser.
"En ce qui concerne la réponse, il y a encore des lacunes sur divers plans, tels que l’accès aux soins médicaux, la recherche des contacts, la surveillance épidémiologique, l’efficacité des systèmes d’alerte et de prise en charge, l’hygiène des enterrements et l’éducation, ainsi que la mobilisation de la communauté locale", a-t-elle précisé.
Selon une estimation, l’épidémie d’Ebola aurait infligé trois à quatre milliards de dollars de pertes à l’économie de l’Afrique subsaharienne. L’impact important du virus pourrait également inverser les processus de paix dans les trois pays les plus touchés, où une baisse de la croissance à court terme est attendue.
Selon une étude de la Banque mondiale publiée début décembre, la performance économique des trois pays, qui connaissaient une forte croissance avant la crise, a été assombrie par l’épidémie.
Les projections concernant le taux de croissance du Liberia, de la Sierra Leone et de la Guinée pour 2014 ont été revues à la baisse : elles sont respectivement de 2,2%, 4% et 0,5% au lieu de 2,5%, 8% et 2,4% en octobre, des chiffres largement inférieurs aux projections à 5,9%, 11,3% et 4,5% faites avant la crise.
L’année 2015 s’annonce encore plus difficile. La Banque mondiale prévoit une croissance négative pour la Guinée et la Sierra Leone et un taux de croissance inférieur de plus de 50% à celui prévu avant la crise pour le Liberia.
Phillip Jeremy Hay, responsable des communications de la Banque mondiale pour la région africaine, a indiqué que l’impact économique d’Ebola ne se faisait pas ressentir par les décès, la maladie et la prise en charge des malades, aussi tragiques soient-ils.
Les répercussions d’Ebola se font ressentir par la peur, a souligné M. Hay. "Les gens ont peur de garder leurs entreprises ouvertes, ils ont peur d’aller travailler, de prendre l’avion pour se rendre dans ces pays, ils ont peur de laisser les gens des pays touchés partir vendre leurs marchandises".
M. Hay a ajouté que cette peur entraînait une "quarantaine économique" pour les pays touchés, dont l’impact économique est énorme.
M. Hay a rappelé que les trois économies concernées ne représentaient pas une part importante de l’économie de l’Afrique de l’Ouest, et encore moins de l’Afrique en général.
Si les gouvernements et leurs partenaires parviennent à endiguer la propagation de l’épidémie avec succès, un impact se fera tout de même probablement ressentir en Afrique de l’Ouest, mais cet impact pourrait être encore plus dévastateur si la maladie reste hors de contrôle, a souligné M. Hay.