Certains paysans soutiennent qu’il faut un surcroît de fertilisant pour améliorer la productivité. Les techniciens insistent plutôt sur le respect du calendrier agricole.
« En nous permettant cette année d’acquérir le sac d’engrais (D.A.P et urée) à 11 000 Fcfa, l’Etat a réduit considérablement nos dépenses et nos charges. Mais les six sacs (deux D.A.P et quatre urée subventionnés à l’hectare) sont insuffisants pour atteindre une production de cinq à sept tonnes à l’hectare ». Soma Dembélé, paysan et revendeur de riz à Bèwani Chantier, est catégorique en abordant la question relative à l’impact de l’assistance en intrant sur la production.
Ce natif de Sanamadougou (commune rurale de Sibila) est assis devant son magasin où des manœuvres sont occupés à peser quelques sacs de riz. Des décortiqueuses sont en action dans un ronronnement incessant. L’homme ne manque pas d’arguments pour convaincre ses interlocuteurs de l’importance de l’engrais. « Un sac d’engrais permet de produire dix sacs de riz paddy environ. Ce qui donne une production de soixante sacs de riz paddy à l’hectare », estime-t-il, ajoutant que des cultivateurs désirant tirer profit de leur récolte ou amortir leurs investissements sont obligés d’acheter deux ou trois sacs d’engrais non-subventionnés (25 000 Fcfa le sac de DAP et 20 000 Fcfa celui de l’urée). « Cet apport supplémentaire leur permet d’atteindre une production de 75 à 90 sacs de riz non décortiqué à l’hectare, mais son coût est insupportable pour les producteurs », déplore-t-il.
Cependant, malgré cette réserve, pour notre interlocuteur, tout nouveau membre du comité pilotage (une sorte de relais entre les paysans et l’Office du Niger), la subvention accordée par l’Etat est tout de même salutaire.
La présidente des femmes de la localité, Fatouma Samaké, ne dit pas le contraire quant au ballon d’oxygène fourni par la subvention. Mais elle, par contre, estime que les quantités d’engrais prévues dans le cadre de la subvention sont bien suffisantes. Elle fait du maraîchage au bord du canal Coste-Ongoïba en attendant le démarrage des activités de contresaison. Dans son jardin potager soigneusement clôturé, cette grand-mère de 54 ans se fait aider par ses trois petites filles dans l’arrosage et dans l’entretien de ses planches d’oignons, de piments. Notre interlocutrice soutient que la dose fournie est suffisante pour atteindre la production souhaitée. « Nos terres sont encore jeunes », explique-t-elle.
C’est aussi l’avis d’Oriyerou Pérou, directeur de la zone production de Béwani. Selon lui, des paysans obtiennent de bons résultats avec six sacs à l’hectare. Le technicien de l’Office du Niger accuse certains cultivateurs de ne pas respecter le calendrier agricole et de faire souvent fi des instructions des institutions spécialisées en matière de vulgarisation de techniques culturales.
Comme pour dégager la responsabilité de sa structure, le premier responsable de l’Office du Niger à Markala rappelle que les doses vulgarisées (deux sacs de DAP et quatre sacs d’urée) sont « une recommandation de l’Institut d’économie rurale ». Il ajoute que cette structure de recherche, qui fait autorité dans notre pays, recommande de compléter les six sacs d’engrais chimique avec de la fumure organique. Il déplore donc l’attitude des paysans qui usent de diverses stratégies pour contourner les recommandations des spécialistes.
Badian Traoré est un délégué des paysans auprès de l’Office du Niger. Cet ex-maire de Bèwani indique fièrement que toutes ses productions sont en hausse par rapport à l’année dernière . Le porte-parole des agriculteurs affirme qu’il n’y a pas eu de problème d’approvisionnement, les cautions (papier certifiant l’accès du paysan à la subvention) ayant été délivrées à temps.
EN AVANCE SUR LE CALENDRIER.
Gaoussou Fané, jeune homme de 28 ans et représentant de la société « Gnoumani S.A », confirme cette remarque. « Les agents chargés d’établir les garanties étaient présents lors de la livraison des intrants », assure le gestionnaire, comme pour dire qu’il aurait été difficile aux candidats à la fraude de présenter de faux papiers. Il explique que cette décision, une première du genre, émane du ministère du Développement rural. « Nous n’avons connu aucune difficulté. Les plaignants sont ceux qui ont retiré leurs cautions tardivement », confirme Fatouma Samaké, présidente des femmes.
Les paysans ont, par contre, d’autres réserves à formuler contre la manière dont l’engrais subventionné est délivré. Soma Dembélé déplore le fait que le produit soit livré de juillet à septembre pour l’hivernage et de février à avril pour la contresaison . Ce calendrier, selon lui, n’a pas adapté. Notre interlocuteur regrette la non-prise en compte des savoirs locaux en matière de fertilisation des sols et de techniques culturales. Notre interlocuteur explique que les paysans sèment les pépinières très tôt, soit pour repiquer avant juillet-août, soit pour éviter les rats et les souris qui causent des dégâts lors de la contresaison. C’est pourquoi il recommande une plus grande implication des paysans pour promouvoir une gestion participative.
Le directeur de la zone de production de Béwani, quant à lui, ne considère pas ce hiatus spécialistes/producteurs comme un problème. Il fait remarquer que des paysans sont simplement en avance sur le calendrier agricole. A l’aide de schémas, le technicien explique que le non-respect du calendrier par les paysans pose un problème de maîtrise de l’eau. « Nous fermons l’eau à partir du 15 décembre pour commencer les travaux d’entretien des réseaux », explique-t-il.
Notre interlocuteur estime qu’à la décharge des paysans le problème de calendrier serait lié aussi au sous-équipement. Les paysans travaillent toujours avec des moyens matériels rudimentaires ou insuffisants. Il souligne aussi le manque de main d’œuvre qui serait à l’origine du retard accusé par certains paysans sur le calendrier agricole. « Certains paysans peuvent attendre des jours avant de trouver un groupe de repiqueurs », déplore le directeur Pérou.
Le manque de main d’œuvre est dû, croit savoir notre interlocuteur, au fait que les ouvriers agricoles ont une préférence pour l’usine sucrière N-Sukala. Un souci de plus pour les producteurs.
En plus de la culture du riz, l’Etat doit songer à la subvention des producteurs de cultures sèches (mil, maïs, sorgho) pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. D’après l’enquête démographique et de santé (2012-2013), ce sont bien ces cultures sèches qui ont permis d’atténuer l’impact de la crise politique et sécuritaire de 2012.
Cheick Moctar TRAORÉ