Peu de régions du Sud du Mali échappe au groupe djihadiste de Mokhtar Belmokhtar, qui avait mené une sanglante prise d'otages en Algérie d'In Amenas en 2013. Depuis, Al-Mourabitoune, le groupe qu’il a fondé après la déroute des djihadistes du Nord s’était tu jusqu’à très récemment.
Puis, il s’est retourné vers le Sud malien: Bamako, Ségou et Mopti sont dans le collimateur du « borgne » qui a revendiqué plusieurs attentats dans ces localités sans être inquiété.
L’autre surprise de l’attentat contre le restaurant « La Terrasse » est la revendication du drame par Al-Mourabitoune qui s’est réjoui de la mort des cinq victimes. Dans l’enregistrement audio diffusé par l’agence privée mauritanienne Al-Akhbar, le message est diffusé en arabe, accompagné de l’effigie de Belmokhtar, considéré comme le chef djihadiste le plus recherché du Sahel. «Nous revendiquons la dernière opération de Bamako menée par les vaillants combattants d’Al-Mourabitoune pour venger notre prophète de l’Occident mécréant qui l’a insulté et moqué», déclarait l’enregistrement diffusé par Al-Akhbar.
L’attentat de Bamako était aussi une partie des représailles du groupe après la mort d’Ahmed Tilemsi, un arabe de Tarkint tué par l’armée française en 2014. Il était un des fondateurs du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) qui a fusionné en 2013 avec le groupe de l’Algérien Belmokhtar, cerveau de la prise d’otages meurtrière sur le site gazier algérien d’In Amenas en janvier 2013, pour former Al-Mourabitoune.
Mais la série noire provoquée par Belmokhtar au Sud du Mali avait commencé bien avant l’attentat contre «La Terrasse». L’enregistrement envoyé au site Al-Akhbar revendiquait une autre opération antérieure. Il s’agit de la tentative d’assassinat à Bamako (le 26 janvier 2015) contre le général Mohamed Abderrahmane Ould Meydou, l’un des officiers arabes restés loyaux à l’armée malienne.
Les attaques multiples contre l’armée malienne dans les régions de Ségou et Mopti portent également la signature d’hommes se réclamant de Belmokhtar. C’est ainsi qu’avant la capitale, les localités de Nampala, Léré, Ténénkou et Dioura ont fait et continuent d’être l’objet de nombreuses attaques menées par des hommes en motos. Chaque fois, ce sont des forces de sécurité et de défense qui sont visées.
Pourtant, rien ne prédestinait au Mali ce terrible djihadiste. En effet, Mokhtar Belmokhtar, surnommé Belaouer ou Laouer (« le borgne ») ou encore Khaled Abou al-Abbas est avant tout un djihadiste algérien. Après un passage en Afghanistan, il combat pendant la décennie noire dans le sud de l’Algérie au sein du GIA, puis du GSPC. Il est l’un des principaux artisans du ralliement des djihadistes algériens à Al-Qaïda qui aboutit à la formation d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) en 2007.
«Le borgne» est également considéré comme le premier chef d’AQMI à s’implanter hors d’Algérie dans les pays du Sahara et du Sahel. En décembre 2012, en conflit avec les autres chefs d’AQMI, il crée son propre mouvement, Les Signataires par le sang, dont la première action est la prise d’otages d’In Amenas, en Algérie, en janvier 2013.
En août, pour former Al-Mourabitoune, son groupe fusionne avec le MUJAO avec lequel AQMI a régné dans le Nord du Mali.
De l’Afghanistan au Mali
Mokhtar Belmokhtar naît le 1er juin 1972 à Ghardaïa, au sein d’une famille modeste appartenant à la tribu arabe des Châambas. Il est prénommé Mokhtar en hommage à un de ses oncles, guillotiné par les Français en 1959 pendant la guerre d’Algérie. Cadet d’une fratrie de huit enfants, il se fait remarquer très jeune par son assiduité à la mosquée.
Mais son destin bascule vers ses 17 ans lorsqu’il se décide à rejoindre les moudjahidines afghans. Il gagne l’Afghanistan en 1991 et suit une formation dans divers camps. Il rencontre notamment Abou Qatada et Abou Mohammed al-Maqdissi. Il combat ensuite au sein du Hezb-e-Islami Gulbuddin dans les environs de Jalalabad et de Kaboul et est grièvement blessé à l’œil droit par un éclat d’obus, ce qui lui vaudra le surnom de « Belaouer » ou « Laouer », qui signifie « le borgne».
Au Nord du Mali, Belmokhtar se livre d’abord à des trafics illicites entre l’Algérie et le désert malien. Ces activités combinées aux prises d’otages d’Occidentaux libérés contre rançons ont donné à AQMI des moyens financiers importants. Aujourd’hui, Belmokhtar est l’un des terroristes les plus recherchés, notamment par les Américains qui ont mis sa tête à prix depuis trois ans.
Soumaïla T. Diarra