Revendiquée par un cadre djihadiste lié à Mokhtar Belmokhtar, l'attaque du 7 août contre un hôtel de Sévaré, au centre du Mali a fait 13 morts. Pour Antoine Glaser, auteur de plusieurs ouvrages sur l'Afrique, le pays reste profondément déstabilisé et la présence des forces françaises y est de plus en plus indispensable.
Jerome Delay/AP/SIPA
L'attaque du 7 août contre un hotel de Sévaré a été revendiquée par un cadre djihadiste proche du prédicateur malien Amadou Koufa, lui même lié, à l'algérien Mokhtar Belmokhtar. Malgré la volonté de réconciliation nationale du gouvernement malien, les opérations militaires françaises et la présence de forces des Nations Unies, la situation ne semble pas stabilisée dans le pays. Comment jugez-vous la situation d'un point de vue sécuritaire et politique ?
La prise d’otage de ce week-end n’est malheureusement pas tout à fait un cas isolé. Ces derniers temps, on sait ce qu’il se passe principalement grâce à la communication des Nations Unies et de l’Etat malien. Dans le Nord, il y a eu plusieurs attaques récemment. Les opérations qui ont lieu à la frontière de la Côte d’Ivoire inquiètent aussi beaucoup les ivoiriens, puisque jusqu’ici, le djihadisme ne descendait pas si bas. Avec l’opération Barkhane au Nord du Mali, les groupes terroristes frappent ailleurs. Cela montre que les problèmes de la région sont extrêmement profonds et ne sont d’ailleurs pas seulement sécuritaires et militaires. Le problème est aussi lié au développement de l’ensemble de la région où se trouvent énormément de populations déplacées et des centaines de milliers de jeunes, sans travail, susceptibles d’être recruté par différentes bandes armées. D'un point de vue politique, le gouvernement malien est totalement dépassé par ce qu’il se passe dans le pays, sans compter qu’il y a toujours le ressentiment d’un certain nombre de populations qui ont été obligées d’abandonner le Nord de leur pays vis à vis des Touaregs. Le Mali n’est pas simplement soumis au djihadisme, il reste profondément déstabilisé et meurtri. Même s’il y a eu des élections et qu’un président a été élu, le pays est encore profondément déchiré.
Selon plusieurs médias, les forces spéciales maliennes étaient appuyées par des soldats français lors de l’assaut qui a conduit à la libération des otages. L'armée française est-elle toujours indispensable à la sécurisation du Mali ?
Les 12 000 hommes des forces des Nations Unies sont souvent des soldats peu aguerris et l’armée malienne est en pleine reconstruction. C’est donc vraiment la France, en tant que force de réaction rapide, qui est chargée par les Nations-Unies d’intervenir en cas de problème. Au niveau politique, on voit bien les relations qu’entretient François Hollande avec son homologue malien Ibrahim Boubacar Keïta (NDLR: François Hollande est le seul chef d'état occidental à s'être rendu à la cérémonie d'investiture du nouveau chef d'état malien). Même au niveau du développement, c’est toujours la France qui mobilise des partenaires qui pour la plupart, ne veulent pas du tout intervenir au Mali. En réalité, la France tient un rôle central dans la sécurisation des territoires du Mali.
En septembre 2013, François Hollande déclarait avoir «chassé les terroristes » du Mali. La communication de la France sur le sujet semble aujourd'hui beaucoup plus prudente. Comment analysez-vous ce changement ?
Antoine Glaser : Dans le Sud du Mali, il y a eu à un moment donné un certain nombre de mouvements anti-français. Et parfois dans le pays, quoi qu’il se passe, c’est la faute de la France. Ne plus se placer en première ligne mais se mettre en deuxième est une vraie stratégie car dans la réalité des faits, la France est extrêmement active dans toute la région et à tous les niveaux. Désormais, la France ne communique que lorsque ses forces spéciales ou ses soldats engagés dans l’opération Barkhane - 3000 soldats près de la frontière libyenne depuis août 2014- ont effectivement éliminé des djihadistes. Ce qui est évident c’est qu’il y a maintenant, stratégiquement, un très grand silence de la France sur tout ce qu’il se passe sur le plan sécuritaire au Mali. Cela change complètement de tout ce qu’on a pu entendre, en particulier en 2013 après l’opération Serval qui a bloqué la descente des djihadistes dans le Sud du pays. D’ailleurs à l’époque, il y avait une vraie volonté d’intervenir à Mopti et à Sévaré, là où justement la prise d’otage a eu lieu ce week-end. Aujourd’hui, il s’agit pour la France de ne plus se trouver en première ligne dans la communication à propos de la sécurité du pays, sauf quand ses forces se trouvent victorieuses dans la chasse aux djihadistes.
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