Aujourd’hui, les Maliens sont partagés entre inquiétude du quotidien et désespoir du lendemain. L’avenir ne dégage aucune lueur d’espoir et s’annonce plus sombre que le présent. Et pour cause : la gravissime crise économique et financière qui frappe le pays, source évidente de l’inflation, de la cherté de la vie, de l’accroissement de la demande sociale et du marasme latent installés.
Autre raison du cauchemar des Maliens : l’insécurité grandissante qui « coupe le sommeil » aux populations et hypothèque une partie de la souveraineté nationale. Le Mali périclite. Les citoyens maliens sont à terre. Par la faute des gouvernants, amateurs, et en manque de stratégie de gestion et de développement.
Où donner de la tête ? A quel Saint se vouer ? De quoi demain sera-t-il fait ? A quand la sécurité alimentaire ? Quid de la paix ? A quand la fin du cauchemar ?
Sous l’ère IBK, les Maliens sont (pitoyablement) amenés beaucoup plus à se poser de questions qu’ils n’ont de réponses à leurs préoccupations et au sort qui les frappe.
Malvivre généralisé
Les plus optimistes, les plus humbles et les plus fatalistes des Maliens n’entrevoient aujourd’hui aucune raison d’espérer en l’avenir. Ils en veulent pour fil conducteur, l’état de dénuement généralisé dans lequel les populations sont confinées et, surtout, la (mauvaise) gouvernance « adoptée » par le pouvoir en place.
Ce mode de gestion des affaires publiques décrié depuis la nuit des temps a, en effet, instauré un marasme économique et une crise financière sans précédent. Parce que les ressources financières qui auraient dû etre injectées dans le développement du pays et la gestion du quotidien des Maliens ont été allouées à des fins de privilèges présidentiels, paralysant l’administration et assommant les Maliens.
Combien sont aujourd’hui les Maliens qui allument le feu sous la marmite pour offrir aux membres de la famille les trois repas de la journée (petit déjeuner, déjeuner et dîner) ? Quelques rares privilégiés. Combien sont-ils qui mangent à leur faim ? Encore quelques privilégiés. Chacun vit au jour le jour.
La situation, « très caillou », est exacerbée par une inflation qui n’est pas maîtrisée sur le marché où les produits de première nécessité, les céréales de grande consommation et les hydrocarbures (lait, huile, sucre, riz, mil, sorgho, maïs, essence, gasoil, gaz butane…) ne prennent furtivement l’ascenseur pour ne plus redescend (Cf. notre article sur les denrées de première nécessité).
Les transports en commun, urbains et interurbains deviennent du luxe, certains trajets pouvant nécessiter que l’on change de véhicule jusqu’à trois fois. A Bamako, les prix des Sotrama oscillent entre 150 F et 400F selon les arrêts et les lignes.
Alors, comment s’offrir à manger, emprunter un moyen de transport, ou acheter du carburant pour se déplacer si l’argent, lui-même semble tout simplement avoir fondu sous la forge. En effet, l’argent a disparu. Ce précieux métal n’est visible ni dans les poches, ni dans les mains. Dans les caisses non plus. Pas plus que dans les comptes.
Question : Où sont passés les 5000 milliards de la Chine pompeusement promis au peuple malien pour assurer son mieux vivre ? No answer ! (Pas de réponse, disent les Anglophones).
Face à la forte demande sociale, le chef de l’Etat et son gouvernement manquent de répondant. Comme pour dire « Aux Maliens de crever… ! ».
Devrait-on en arriver là ? Non ! Le préalable qu’il fallait.
L’HOMME par qui les malheurs…
N’ayons pas peur des mots : les Maliens doivent tous leurs malheurs au président qui leur promettait tout et qui avait pourtant toutes les armes en main pour réussir.
Il a tout d’abord hérité d’une Transition qui avait pu remettre le Mali sur les rails, avec une intégrité territoriale recouvrée et des institutions élues. La nouvelle idole du peuple malien (plébiscitée à plus de 77%), se devait simplement de sauvegarder ces acquis, les consolider et entreprendre un redressement, voire une véritable relance économique.
Ensuite, l’ensemble de la communauté internationale semblait entièrement acquise à sa cause, fondamentalement pour son plébiscite et pour le retour à la normale constitutionnelle.
Enfin, il bénéficiait de l’excuse de ne pas être sévèrement et systématiquement jugé sur ses premiers faux pas du fait que le pays sortait d’une mauvaise passe.
Mais, IBK, certainement surpris du fauteuil doré à lui offert sur un plateau, dilapida ce capital favorable, en instaurant une mauvaise gouvernance jamais vue sous nos cieux, plongeant le Mali dans une situation chaotique.
Sa première erreur et certainement la plus grosse de toutes, c’est d’avoir occulté les vraies priorités. En effet, pendant que le pays, au lendemain d’une grave crise politico-militaire, cherche à colmater les brèches, les nouvelles autorités ont mis le plus beau clair de leur temps à gérer des scandales occasionnés par le pouvoir en place.
Scandales liés à l’achat de l’avion présidentiel (16 à 21 milliards de FCFA selon les interlocuteurs) et au marché du contrat d’armement (108 milliards de FCFA).
Scandale des surfacturations (entre 28 et 39 milliards selon les structures de contrôle). Scandale lié aux supposés liens avec le parrain des parrains corse, Michel Tomi.
Scandale de la suspension de l’appui budgétaire des institutions de Bretton Woods, le FMI et la Banque mondiale. C’est de là et de là seulement qu’est parti le drame (économique et financier) des Maliens.
Aux scandales énumérés plus haut sont venus se greffer d’autres, non moins sulfureux comme les dossiers de la rénovation du Palais présidentiel de Koulouba et de la résidence privée de Sébénicoro, l’affaire « Ma famille d’abord » (les Maliens après) etc.
Pourtant, IBK a eu une seconde chance de relever un pays est mis sur cale et avec lui, ses concitoyens.
En effet, avec la reprise de l’aide budgétaire du FMI et de la Banque mondiale, on était en droit de s’attendre à que le gouvernement se tourne vers les préoccupations quotidiennes des populations. Grosse erreur !
Aujourd’hui plus que jamais, le quotidien des Maliens et les questions qui impactent la vie de la nation n’ont autant été relégués au second plan par le gouvernement, pris en otage par un Accord dit de paix, en peine d’application.
Misère dans la terreur
Le chaos économique et financier n’est (malheureusement) pas le seul cauchemar des Maliens, contraints de vivre cette misère dans une terreur effroyable due à l’insécurité quasi endémique.
Ces deux dernières années, l’insécurité est devenue le plus fidèle compagnon du Malien. Notamment depuis la signature de l’Accord d’Alger par le gouvernement (15 mai 2015) et la Coordination des mouvements de l’Azawad (20 juin 2015), les jours s’égrènent dans un environnement sécuritaire plus qu’inquiétant.
De janvier à nos jours, le peuple malien a assisté avec consternation et impuissance à la montée fulgurante des attaques djihadistes et terroriste non seulement au nord, mais aussi au centre et au sud du pays : Kidal, Gao, Ménaka, Ansongo, Nampala, Douentza, Boni, M’Boullikessi, Ténenkou, Youwarou, Dioura, Diafarabé, Dogo, Misséni, Fakola, Gourma Rharous, Sévaré, Bamako, Baguinéda, Barkérou etc.
Des militaires, des agents publics de l’Etat (administrateurs civils et personnel associé), des porteurs d’uniformes et de tenues paramilitaires (forestiers, gendarmes, policiers), des chefs de villages, des imams, des personnels de la Minusma et même des civils… sont assassinés à tour de bras.
Les forfaits sont commis par des rebelles, des terroristes et des djihadistes en véhicules, à motos ou à pieds. Attentats, mines terrestres antipersonnel et antichar, attaques à mains armées, vols de bétail, de cyclomoteurs, de voitures, viols, prises d’otages et autres agressions physiques sont autant de forment de violence qui meublent le quotidien des Maliens. Qui ne dorment plus. De peur de ne jamais se réveiller.
Cette insécurité généralisée et grandissante affecte dangereusement la paix sociale et annihile tout effort de développement. L’Accord d’Alger est-il alors une convention mort-née !
Sékou Tamboura