Selon des sources bien introduites, pour le poste de président de l’Assemblée nationale du Mali en 2013, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, avait jeté son dévolu sur l’actuel président de la Haute cour de justice, Abdrahamane Niang, député Rpm élu à Tenenkou. Sauf que ce choix n’a pas été avalisé par la majorité des élus de son parti qui, sous la houlette d’un certain Mamadou Diarrassouba, ont opté pour le député de Koulikoro, Issiaka Sidibé. Alors, pour la mise en place du nouveau bureau de l’Assemblée nationale, quelle sera donc la marge de manœuvre du président IBK, surtout que Diarrassouba lui-même a des appétits ? Son choix sera-t-il respecté ou sera-t-il réduit en minorité, comme en 2013 ?
u moment où tous les regards sont tournés vers la Cour constitutionnelle pour la proclamation officielle des résultats du second tour de l’élection présidentielle, les supputations vont bon train sur le portrait-robot du futur président du perchoir. Même si aucun de ceux qui sont cités n’a officiellement annoncé sa candidature, leurs soutiens sont en train de faire avancer, lentement mais surement, les pions pour leur champion, comme en témoignent des écrits lus dans la presse.
Ainsi, dans ce lot, celui qui vient en tête est Mamadou Diarrassouba, député Rpm élu à Dioïla. Il y a ensuite le président sortant de l’Assemblée nationale, Issack Sidibé ; le secrétaire général du Rpm, Me Baber Gano, député élu à Djenné. Les soutiens de l’actuel président de la Haute cour de justice, Abderhamane Niang, élu Rpm de Tenenkou et ceux de Assarid Imbarcawane, élu de l’Adema à Gao et ancien vice-président de l’Hémicycle, ne sont pas aussi en reste dans cette guerre de positionnement.
Le cas Mamadou Diarrassouba
Quant à Mamadou Diarrassouba, le premier questeur de l’Assemblée nationale, il est parmi l’un des fidèles lieutenants du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, et beaucoup sont unanimes qu’il a l’oreille de ce dernier.
Ce qui fait de lui l’un des cadres les plus respectés et écoutés au sein du parti des tisserands.
Diarrass, comme l’appellent les intimes, tire surtout sa légitimité de son Dioïla natal, d’où il draine du monde en termes d’électorat, comme en témoignent les deux tours du dernier scrutin législatif à l’issue desquels, grâce à son leadership, le Rpm a pu avoir 5 élus. Ce, au moment où les autres étaient obligés de faire des alliances contre nature pour gagner leur poste de député. Diarrass est aussi décrit comme un grand rassembleur. Nul ne doute de la loyauté du questeur de la législature sortante envers le président IBK. A son troisième mandat à l’Assemblée nationale, il connait très bien les rouages de cette institution et tous les élus. Ce n’est plus un secret, Diarrassouba a placé ses hommes partout. Au niveau du gouvernement, on parle du ministre délégué Adama Sangaré (qui fut son directeur de campagne) à l’Assemblée nationale et il en a surtout placé au niveau de l’Administration malienne. Logique que l’actuel questeur de l’Hémicycle, enseignant de profession que certains qualifient de “l’Homme des législatives de 2020” ait des appétits pour le poste de président de l’Assemblée nationale. Encensé par ses partisans au terme de ce scrutin, il voit donc son heure arriver. Mais la question que l’on est en droit de se poser est de savoir si tous ces atouts suffisent pour faire de Diarrassouba un bon président de l’Assemblée nationale ?
Les handicaps
Si personne ne met en cause l’aura de Diarrass, il faut tout de même reconnaitre que, sur le plan politique, le bilan du secrétaire à l’Organisation du Rpm au niveau de la Fédération de Koulikoro est mitigé. Car même si Dioïla a été érigée en région, Diarrassouba demeure jusqu’à preuve du contraire le président de la Fédération Rpm de Koulikoro. Et ce qu’il faut retenir, excepté lui-même dans sa propre localité, le parti des tisserands a eu des difficultés dans toutes les localités de la deuxième région de Koulikoro. Pour preuve, à Koulikoro, il a fallu une alliance Rpm-Urd pour que le président sortant de l’Assemblée nationale, Issiaka Sidibé, puisse rempiler.
A Nara, il a fallu une alliance Rpm-Adema-Adp Maliba également. Excepté ces zones, le parti au pouvoir a été battu dans presque toutes les autres localités, notamment à Kangaba, Kati, Banamba et Kolokani. Un autre handicap de Diarrassouba, c’est son faible niveau de connaissance de l’Administration malienne avec un carnet d’adresses très pauvre à l’international. Ce n’est pas tout ! Ses détracteurs le décrivent comme quelqu’un qui n’a pas une “tête bien pleine” pour diriger le perchoir, et au-delà, être le patron de Koulouba en cas de vacances du pouvoir. “Diarrassouba fait tout ce bruit juste pour garder son fauteuil de premier questeur” souligne un de nos interlocuteurs.
Issiaka Sidibé et son bilan
Le président sortant de l’Assemblée nationale, l’Honorable Issiaka Sidibé, 74 ans, est bel et bien candidat à sa propre succession. L’information nous a été donnée par une source très proche de l’intéressé. D’ailleurs, selon notre interlocuteur, tout porte à croire que le bilan d’Isack, un ami de très longue date d’IBK, milite en sa faveur pour succéder à lui-même.
“Regarde, aujourd’hui, la salle de plénière de l’Assemblée nationale du Mali, c’est l’une des plus belles de la sous-région. Cette œuvre est à son actif grâce à la diplomatie parlementaire avec la Turquie. Il a fait clôturer aussi l’enceinte de l’Hémicycle, doté tous les députés d’outil informatique, à savoir un député un ordinateur. Le plus important, c’est surtout l’amélioration des conditions de vie et de travail des députés qui étaient son combat. Ce, pour qu’ils puissent exercer leurs missions dans de bonnes conditions au profit de la nation. C’est pourquoi, sous la dernière législature, il a augmenté les indemnités, primes de logements, véhicules, etc…au profit des élus de la Nation. Autre événement-phare sous la présidence de Issiaka Sidibé, c’est ‘organisation du sommet de l’Union parlementaire islamique qui a été une totale réussite”, ajoute un autre proche de l’élu de Koulikoro. Avant d’ajouter qu’Isaack a tous les atouts et le profil pour rempiler. «C’est un sortant de l’Ena, s’y ajoute son expérience parlementaire pour avoir été rapporteur général de la Commission des finances (2002-2007). Sans oublier surtout qu’il est le sixième vice-président du Rpm. Ce qui veut dire qu’il est, de nos jours, hiérarchiquement le premier responsable de tous les élus Rpm à l’Assemblée nationale. Logiquement, il doit être reconduit», ajoute la même source.
Cependant, le président sortant n’a pas que des atouts, ses détracteurs ne ratent pas la moindre occasion pour faire part de son manque d’autorité sur les députés et son insuffisance d’assise politique.
“Isaack a montré ses limites dans l’organisation des débats, il n’arrive pas à mettre de l’ordre dans les débats au niveau de l’Hémicycle. C’est pourquoi, toujours, il y avait des frondes à l’Assemblée nationale contre lui venant même des élus Rpm. D’ailleurs, un moment, une pétition réclamant sa destitution circulait sous les manteaux. Ce n’est pas tout, il n’a pas d’assise politique pour la simple raison qu’étant président sortant de l’Assemblée, il n’avait pas besoin d’aller en alliance avec un candidat d’un parti politique de l’opposition”, nous a confié un analyste politique.
La piste Abderhamane Niang ?
Abderhamane Niang, le candidat recalé du président IBK au poste de la présidence du perchoir en 2013, sera-t-il dans la course cette année ? Certains de ses proches n’hésitent pas à dire oui.
Pour la petite histoire, en 2013, il a été reproché à cet administrateur civil de classe exceptionnelle de ne pas être un militant Rpm bon teint, malgré sa proximité avec IBK. D’où le refus de certains caciques du parti au pouvoir à soutenir sa candidature à la présidence du parlement lors de la dernière législature.
Aujourd’hui, cet argument ne tient plus car il a été consolé par le poste de président de la Haute cour de Justice qu’il occupe de 2013 à nos jours et il a été sur tous les fronts au profit du parti au pouvoir et de la majorité présidentielle (Epm). Mais un handicap de Niang, qui peut être un avantage en guise d’expérience et de sagesse, c’est son âge : 76 ans. Mais, malgré tout, il tient bon physiquement. Président des élus de la région de Mopti, il est fréquent sur le terrain à l’intérieur du pays, dans la résolution de la crise du centre où il participe à toutes les missions de bons offices aux côtés de tous les Premiers ministres qui se sont succédé. Ce, de Abdoulaye Idrissa Maïga à l’actuel Premier ministre Boubou Cissé, en passant par Soumeylou Boubèye Maïga.
Et pour la petite histoire, c’est en revenant de Tenenkou (Mopti) qu’il a subi une attaque terroriste soldée par la mort de son chauffeur, Abdoulaye Maïga (qui le conduisait depuis une trentaine d’années). Aussi, un autre atout de Niang, c’est son carnet d’adresses très riche aussi bien sur le plan national qu’à l’international.
Au plan national, il a occupé plusieurs postes de responsabilités au niveau du ministère de l’Administration territoriale, maitrisant ainsi les rouages de l’Etat. A l’international, il fut aussi un haut cadre de Ifes, une structure internationale qui s’occupe de l’organisation des élections. Avec cette casquette, il a parcouru le monde. Son passage à la présidence de la Haute cour de justice lui a aussi valu des missions de partage d’expérience dans plusieurs pays, consolidant ainsi son réseau.
“Il est de nos jours à son troisième mandat à l’Hémicycle. C’est un homme très cultivé, s’exprime aisément en français, en anglais et en peulh. Je pense qu’il répond au profile pour être président de l’Assemblée nationale qui doit être quelqu’un qui a une forte personnalité à l’interne et à l’international” nous confie l’un de ses proches, tout en ajoutant qu’il a une grande capacité d’écoute.
Baber Gano “éloquent et élégant”
Un autre candidat – et pas des moindres ! – qui s’annoncerait dans cette lutte, c’est le secrétaire général du Rpm, le bouillant ministre de l’Intégration Africaine, élu récemment député dans la circonscription électorale de Djenné. Baber Gano, 55 ans, est avocat de son état. ” Tout comme Diarrasouba, il peut se taper la poitrine d’avoir Djenné comme fief car parmi les prétendants sérieux, il est le seul à être élu dès le premier lors de cette élection, même s’il a été élu en alliance avec l’Urd. Au delà de cette élection, il faut rappeler qu’avec Baber, le Rpm perd difficilement une élection dans la commune urbaine de Djenné”, nous confie un fin connaisseur de l’intéressé. Son atout pour ce poste, selon ses soutiens, c’est que le député de Djenné est éloquent et élégant, avec un bagage intellectuel enviable.
“Il est éloquent et élégant en ce sens qu’il a une facilité de convaincre son vis-à vis. Toute chose importante dans le cadre de la diplomatie parlementaire” a ajouté une autre source. Cependant, les griefs ne manquent à son sujet. “Baber Gano a trop d’ennuis sur le plan judiciaire. Que cela soit fondé ou pas, le nom d’un président de l’Assemblée nationale ne doit pas être associé à de tels problèmes. En plus, malgré qu’il soit secrétaire général du parti, ses soutiens se comptent du bout des doigts”, renchérit un élu Rpm.
Karim Kéïta met fin au suspens
Longtemps cité comme possible candidat à la succession de son beau-père, le président de la Commission défense de l’Assemblée nationale, l’unique élu Rpm pour le district de Bamako, Karim Kéïta, n’est pas partant. C’est lui-même qui a donné l’information le mardi dernier sur sa page Facebook.
Avec cette sortie, il met fin aux différentes supputations, même si beaucoup pensent qu’il sera peut-être reconduit à la présidence de la Commission défense, sécurité de l’Assemblée nationale. Donc un candidat de moins.
La surprise Assarid
En matière politique, pour des jeux d’intérêts, toutes les alliances sont envisageables pour les formations politiques donc les surprises ne sont pas à écarter. Dans ce registre, l’Adema, avec ses 22 députés contre 43 pour le Rpm, peut ravir la présidence de l’Assemblée nationale au parti Rpm. Pour ce faire, il lui faut une grande coalition autour de lui pour avoir les 74 voix nécessaires à la majorité. De ce fait, l’Adema peut composer avec l’URD qui a 19 élus, le Mpm 11 élus, l’Asma 9, Adp-Maliba 8 et la Codem 6. C’est donc dans cette configuration que les abeilles peuvent détrôner le parti du tisserand du perchoir. Et dans ce cas, le candidat le mieux indiqué pour la présidence, selon un autre analyste politique, serait Assarid Imbarcawane. L’élu de Gao, faut-il le rappeler, a été déjà vice-président de cette institution.
En tout cas, la bataille pour la présidence de l’Assemblée nationale sera rude et nul ne sait, pour le moment, sur qui le président IBK va jeter son dévolu après la confirmation des différents résultats.
En plus, son choix sera-t-il entériné par les élus ou sera-t-il boycotté, comme ce fut le cas en 2013, avec Abderhamane Niang ? That is the question.