PolitiqueMe Mountaga Tall, acteur du mouvement démocratique et président du CNID-FYT : «Le mouvement démocratique avait comme mission essentielle d’instaurer le pluralisme démocratique »
Je pense que le Mali se trouve à un tournant décisif. Il y a aujourd’hui une volonté unanimement exprimée d’aller vers la refondation. Mais, il y a en même temps, un regard très critique sur le passé incluant les trente années de vie démocratique. Ce que j’entends, n’est pas très favorable aux acteurs de ces trente dernières années. Pour ce qui me concerne, je considère qu’il y a une part de critiques à accepter, mais une part aussi plus importante de malentendus à lever. Le 26 mars n’est pas qu’une date, il procède d’une vision, d’un esprit, d’une volonté d’instaurer au Mali ce qui manquait le plus à l’époque : la liberté. Je considère pour ma part que la liberté, tout comme l’oxygène, est indispensable pour un homme.
Ceux qui n’ont pas connu les privations de liberté ou la dictature ne peuvent pas apprécier à sa juste valeur, la liberté. Beaucoup posent la question : qu’est-ce que le 26 mars a apporté ? Qu’est-ce que le Mouvement démocratique a apporté ? Il faudrait apporter des éclaircissements.
Le Mouvement démocratique avait comme mission essentielle d’instaurer au Mali le pluralisme démocratique, lequel devait servir de socle pour un développement économique, social, culturel et un mieux-être individuel et collectif.
Le Mouvement démocratique a assuré le pouvoir au Mali du 26 mars 1991 au 8 juin 1992, date à laquelle le flambeau a été transmis à un président élu. Si l’on doit juger le Mouvement démocratique, il faut le faire pour cette période. Et il n’y a aucun doute qu’en termes de gouvernance, tout s’est très bien passé et que le bilan est très positif.
Maintenant, le socle posé, qu’est-ce que les différents régimes ont bâti comme édifice ? Cela ne concerne plus le Mouvement démocratique. Cela s’adresse aux gouvernants et quelquefois aux gouvernés avec des acquis incontestables mais aussi des reculs ou des échecs retentissants.
C’est parce qu’il y a eu ces reculs et ces échecs que le M5-RFP (Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques) a décidé de s’assumer et d’apporter au Mali, une gestion plus patriotique et plus efficiente.
En clair, refonder le Mali en tirant les enseignements de la mauvaise gouvernance. Parce que ce qu’il y a en cause au Mali, pas seulement pour les derniers régimes déchus mais sur l’ensemble de la période de l’indépendance, c’est la mauvaise gouvernance que quelques-uns assimilent à la démocratie et à ses travers. La démocratie n’a comme alternative que la dictature ou le populisme. Ceux qui ont connu la dictature n’en voudront jamais. Pendant les dernières années, tous les gouvernements du Mali ont compté des hommes politiques et des acteurs de la société civile, des militaires et des civils, des hommes et des femmes, des gens de différentes générations. Donc, la crise de gouvernance ne s’adresse pas à une catégorie précise, elle s’adresse à ceux qui ont gouverné et quelquefois à ceux qui ne se sont pas assumés en refusant la mauvaise gouvernance.
Si cela est entendu, il ne faut jamais jeter le bébé avec l’eau du bain. Il faut chercher parmi les Maliens, les meilleurs d’entre nous sur la base d’un certain nombre de critères, dont le patriotisme, l’intégrité, la compétence. Bien avant la chute de l’ancien régime, nous avons travaillé sur les Assises nationales de la refondation (ANR) en définissant les contours. Nous avons été heureux et fiers de voir que le peuple malien s’est approprié le concept et la démarche. Ces ANR ont eu lieu, des documents en sont issus. Il y a aujourd’hui des réflexions en cours pour leur mise en œuvre. La refondation pour moi, c’est ce qui a été retenu par les ANR. Les reformes, ce sont celles qui sont prévues et préconisées par les ANR. Il est vrai que cela ne suffit pas.
Il y a des recommandations qui ne procèdent pas d’une vision stratégique. C’est un document humain. Il y a des faiblesses, il y a aussi des excès. Il faut prendre ce qui est nécessaire, travailler à mettre ces recommandations en œuvre. Certaines ne peuvent pas être différées. Et le reste pourrait être prise en charge par des pouvoirs élus peut-être sur deux, trois voire plusieurs mandats.