Après un séjour bien rempli dans une localité, on a l’impression d’y laisser une partie de soi en quittant les lieux. Dans ces conditions, difficile de ne pas se sentir concerné, surtout quand on a eu la chance de partager les préoccupations des populations des hameaux et villages les plus reculés et les plus isolés. De Youwarou(Mopti) dont nous revenons le mois dernier à l’issue d’une enquête de terrain de 120 jours, on est en droit de se faire des soucis quant à l’issue de la campagne agricole. Loin des réalités et des soubresauts politico-sécuritaires de la capitale, le paysan de Kormou ou de Sah n’arrêtait de scruter avec anxiété le grand ciel bleu qui enveloppe l’immense étendue désertique que représente le lac Débo en période de décrue.
Et cela, à la recherche d’un infime signe annonciateur de bon auspice après la deuxième décade du mois de juillet sans une bonne pluviométrie. En effet, à la psychose d’une nouvelle occupation des groupes armés après les évènements du 21 mai à Kidal est venue s’ajouter les inquiétudes d’une mauvaise pluviométrie pour les paysans.
D’un côté l’insécurité et de l’autre la mauvaise pluviométrie, les conséquences de ces deux problématiques sont incalculables pour les populations d’une localité qui viennent, à peine, de sortir de l’occupation des groupes armés qui ont régné sans partage sur toute la partie nord de notre pays de janvier 2012 à janvier 2013.
Cette inquiétude était d’autant plus fondée que les récoltes ont été mauvaises pour la campagne précédente dans le cercle. Autres signes d’inquiétés, le bétail était soumis à rude épreuve après que tout le cheptel (bovins, ovins, caprins) se soit retrouver dans les bourgoutières fuyant les conditions très précaires des zones exondées en cette période de l’année.
Mais, malgré le contexte, les paysans continuaient à défier la canicule (40°) et le jeun pour préparer les champs. De toute façon, l’espoir était permis après qu’une pluie de plus de 30 ml ait arrosée le cercle en mois de mai. De mémoire des gens, il y’avait plus de 30 ans que la localité n’avait pas reçu une pluie d’une telle intensité en cette période de l’année.
Mais, l’immense espoir suscité par cette pluie précoce s’est vite estompé quand le ciel a mis plus de 4 mois sans laisser tomber une seule goutte d’eau à nouveau. Rendant drastique les conditions de pâturages avec son corollaire de bétail décimé. Selon les témoignages, les pluies se sont installées de manière normale au cours de ce mois d’août où le cercle reçoit en moyenne deux à trois pluies par semaine.
L’autre inconnue de l’équation est de savoir si ces pluies qui ont refait surface vont continuer ou encore vont être bien réparties dans le temps et dans l’espace. On est tenté de répondre par l’affirmative, si on sait que certaines prévisions météorologiques indiquent que les précipitations vont continuer jusqu’en octobre. Mais, là encore, les risques de rupture des digues sous les effets de la crue n’en demeure pas moins un souci majeur pour les exploitants des périmètres irrigués.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’existence d’une très grande potentialité hydro-agricole avec l’existence de vaste surface irrigable dans la zone inondée du lac Débo, les défis ne manquent pas pour les paysans de la localité. Des défis qui ont pour noms : le surendettement des coopératives, l’accès difficile aux intrants et aux crédits agricoles, le faible niveau d’équipement et d’encadrement des producteurs etc.
Abdoulaye Ouattara