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Art et Culture

Super Biton de Ségou, inoxydable légende : Rencontre avec Mama Sissoko
Publié le samedi 2 mai 2015  |  Le Reporter




Plus de vingt ans après la fin des biennales artistiques et culturelles au Mali, retour sur l’une de leurs plus brillantes émanations : le Super Biton de Ségou, sacré meilleur orchestre de 1970 à 1976. Encore actif aujourd’hui, l’orchestre continue de faire la fierté de la ville. Rencontre avec son chef d’orchestre et éminent guitariste, Mama Cissoko.

Au cœur du mois de février, l'harmattan assèche l’air et recouvre toute la ville de Ségou de sa brume de poussière. Mama Cissoko gare sa voiture et, sans un mot, nous emmène chez lui, dans la cour, où de temps à autre les membres du Super Biton viennent répéter. Chef d’orchestre depuis les années 2000, Mama Cissoko a remplacé le regretté Amadou Bâ. Son téléphone sonne avec insistance : c’est une "grande personnalité", qui vient de recevoir une promotion. Il appelle Mama Cissoko pour assurer l’ambiance à son "arrosage", la soirée qui fêtera l’événement. Plus de cinquante ans après sa création, le Super Biton conserve l’image d’un orchestre prestigieux, synonyme de fête réussie. Et pourtant, longue est l’histoire du Super Biton ! Plus de cinquante ans de musique et de succès, mais aussi de désillusions...

Collectage

Mama Cissoko n’est pas un membre historique du Super Biton. Guitariste aux doigts d’or, il a été débauché de l’orchestre de Kayes, en 1972, pour renforcer l’équipe d’excellents musiciens déjà présents à Ségou. Il n’a pas assisté aux débuts du Biton, pourtant il est intarissable sur les premiers pas de l’orchestre. "Né de la fusion de plusieurs orchestres régionaux au milieu des années 60, le Super Biton de Ségou s’est fait connaître du grand public malien lors des Semaines de la Jeunesse, où il a raflé plusieurs prix de 1964 à 1968".

La reconnaissance nationale arrive en 1970, pendant la première Biennale culturelle instaurée par Moussa Traoré. L’Orchestre régional Biton -qui n’est pas encore "Super", épate toute la jeunesse malienne avec ses cuivres soyeux, la finesse de ses guitares, sa basse rugissante, les envolées lyriques de ses chanteurs et sa couleur résolument moderne. Pourtant, comme l’impose la politique culturelle de l’époque, l’orchestre régional de Ségou a un rôle bien spécifique. "Notre mission était de mettre en valeur le patrimoine culturel de la région. Ici à Ségou, il y a les Bambara, les Bobo et surtout les chasseurs : chaque ethnie a trouvé ses morceaux dans notre répertoire. C’est ce qui a fait notre succès au Mali, parce que les chants étaient éducatifs et instructifs. Chaque morceau avait son sens", insiste le guitariste en chef.

Proverbes, chansons morales qui incitent la jeunesse malienne à travailler, à faire preuve de courage et de bravoure, les thèmes des chansons du Super Biton sont dans l’air du temps post-indépendance. La plupart des succès de l’orchestre sont directement issus du terroir de Ségou : "Pour récolter un matériau sur lequel arc-boutent nos compositions, Percé Doumbia,

Toussaint Siané, Abou Kissa, les chanteurs du Super Biton, partaient en brousse avec un magnétocassette et enregistraient les voix des vieilles femmes, les chants de cérémonies de mariage, de circoncision…", se rappelle Mama Cissoko. De ce collectage, l’orchestre a tiré certains de ses plus grands succès, comme Siséni. "Ce morceau insiste : il ne faut pas trop se montrer, faire d’excès de zèle parce que tu es directeur ou ministre. Non ! N’écrase pas les autres. On ne sait jamais ce qui va t’arriver demain", précise Mama Cissoko.

Prestige

Mais demain est encore loin pour le Super Biton qui connaît dans les années 70 sa période la plus faste… Vainqueur de quatre biennales culturelles d’affilée, le groupe est mis hors concours, et sacré orchestre national en 1976, au même titre que le Bademba national. Une promotion qui amène l’orchestre à Koulouba, le Palais de la présidence malienne, pour animer les réceptions officielles. Le groupe représente le Mali dans la sous-région. Le week-end, le Super Biton joue au Je t’aime, un hôtel de Ségou.

"Les gens venaient de Mopti, de Bamako, de Sikasso uniquement pour voir le Super Biton". Une parenthèse dorée qui dure autant que le règne de Moussa Traoré. "En 1991, avec le changement de régime, Alpha Oumar Konaré a dit aux musiciens de se prendre en charge, les Biennales ont cessé", se rappelle-t-il. Le temps des vaches maigres commence pour les musiciens qui cherchent en vain dans le journal officiel, le décret qui avait fait d’eux des fonctionnaires de l’Etat malien en 1976 – et donc des pensionnaires à vie.
Marqué par le décès de plusieurs membres historiques, les désillusions et les errances, le groupe se met sur pause et les musiciens tentent l’aventure en solo.

En 2001, sur l’impulsion du festival Sur le Fleuve, le Super Biton a recruté quatre jeunes musiciens de la région et repris du service. Chaque année, comme un incontournable emblème, le Super Biton de Ségou assure la soirée d’ouverture du festival Sur le Fleuve et donne le maximum pour conserver son titre de meilleur orchestre du Mali.

Eglantine CHABASSEUR
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