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L’Indicateur Renouveau N° 1432 du 7/2/2013

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Regard rétrospectif sur la vie de la nation : des acquis certes, mais que de regrets et de désillusions
Publié le vendredi 8 fevrier 2013  |  L’Indicateur Renouveau




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En quelque chose malheur est souvent bon, a-t-on coutume de dire. La crise malienne est en train de rappeler la cruauté de cette dure réalité au peuple malien en général et plus particulièrement aux dirigeants et acteurs de la classe politique.

En effet, lorsqu’on remonte dans le temps du 26 mars 1991 jusqu’à nos jours, beaucoup d’acteurs majeurs de la scène sociopolitique au Mali sont aujourd’hui empêtrés dans de profonds regrets pour les uns et cruelles désillusions pour d’autres. Que reste-t-il encore réellement de l’idéal qui a conduit aux douloureux événements du 26 mars 1991 ? Nombreux sont les Maliens qui répondront que cet acte historique que d’aucuns ont payé de leur vie, a été simplement dévoyé de ses objectifs. Car, l’idéal de liberté, d’égalité, de justice, de démocratie et de développement qui l’a engendré, n’a pas donné tout le résultat escompté. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour que le Mali fasse le bilan de son ère démocratique de façon générale et que chacun des acteurs en fasse autant à son niveau. Il y a certes encore quelque acquis non négligeables. Mais que valent-ils par rapport aux espoirs et espérances déçus ? Si l’histoire devait se répéter, surement que les maliens s’y prendront autrement.

En effet, la grave crise sécuritaire et institutionnelle que traverse tant bien que mal notre pays depuis plus d’un an a mis en évidence les nombreuses lacunes et insuffisances d’un système de gestion et de gouvernance démocratique qui n’était autre qu’un miroir qui nous permettait jusqu’ici de nous auto-satisfaire de la « beauté de notre propre reflet ». Ainsi, 20 ans durant, le peuple malien a été incapable de revenir à la raison, de prendre conscience des tares du système dans lequel il avait fini par se complaire, compromettant ainsi tout aussi dangereusement l’avenir de cette nation enviée à lui léguée par les illustres devanciers.

Tous les régimes, qui se sont succédés aux affaires dans le pays ces deux dernières décennies, ont tous engrangé de relatifs progrès dans les domaines de la liberté de presse, la liberté d’opinion et d’association, la disponibilité des services sociaux de base, le multipartisme intégral comme il a été souligné dans la Constitution du 25 février 1992, la création d’infrastructures culturelles, sportives et économiques, entre autres. Mais, que valent ces acquis à côté de l’état de déliquescence et de dépravation avancée qu’a atteint notre société et dont les conséquences s’avèrent aujourd’hui plus que dramatiques pour notre pays ? Presque pas grand-chose. Comme le disait Ahmed Sékou Touré, premier président de la Guinée indépendante « mieux vaut vivre dans la pauvreté mais dans la dignité plutôt que dans l’opulence sous tutelle d’autrui ».

Qu’est devenu ce Mali dont les filles et fils étaient si fiers et foncièrement jaloux de leur dignité ? Ce trait de caractère a fait la spécificité du peuple malien d’abord face à la pénétration coloniale que pendant cette colonisation, dans la lutte pour l’indépendance et le lendemain de l’accession à la souveraineté nationale et internationale.
Aujourd’hui que d’eaux ont coulé entre-temps sous le pont sur le fleuve Djoliba de Bamako à Gao en passant par Tombouctou et autres !
Les Plans d’ajustement structurels, les départs volontaires à la retraite, la multiplication des partis politiques, la corruption, le clientélisme, le népotisme, la course effrénée à l’enrichissement souvent illicite, les luttes fratricides pour le pouvoir devenu synonyme de réussite et de puissance socioéconomique, sont entre autres facteurs qui sont passés par là, faisant ainsi de notre société une jungle où ne tirent leur épingle du jeu que les fauves, les rapaces et les charognards pendant que le bas peuple, cette masse laborieuse constituant plus de 90% de la population, leur sert de proies.

La loi fondamentale, qui est la boussole et le repère en matière de droits et de devoirs pour les citoyens auxquels elle devait conférer l’égalité de chance, la justice et l’équité, s’est elle-même avérée truffer d’incohérences et d’insuffisances, rajoutant ainsi à la confusion.
La politique de décentralisation, qui avait pour vocation de rapprocher davantage le pouvoir de décision des populations à la base, a créé plus de problèmes qu’elle n’en a résolus un peu partout sur l’ensemble du territoire. Seule une infime minorité semble tirer avantages et profits de la très mauvaise répartition des maigres ressources engendrés par l’Etat. L’apport, combien important et précieux des partenaires au développement n’est malheureusement pas lui aussi épargné par cette voracité « cannibalière ». Dans la plupart des cas, ce qui parvient généralement aux vrais destinataires ne représente qu’une portion congrue des montants colossaux mis gratuitement à la disposition de nos Etats grâce aux efforts des contribuables d’autres pays.

Des pères de l’indépendance aux djihadistes en déroute actuellement dans le désert en passant par les auteurs du coup d’état de 1968, les acteurs du mouvement démocratique, les différents mouvements rebelles que le pays a connu jusqu’à ce jour, ainsi que les jeunes soldats de la garnison de Kati, à l’origine de la mutinerie des 21 et 22 mars 2012, les partenaires au développement, etc. tous avaient certainement des motivations plus ou moins légitimes. Mais, à l’heure du bilan, qui peut-on désigner comme ayant véritablement gagné la seule bataille qui vaille, celle du bien-être pour le mieux partagé ? Cependant, il y a au moins une certitude. C’est le fait pour nous d’avoir tous perdu quelque chose, d’une façon ou d’une autre.

A présent, le plus important est de nous retrouver, tous ensemble, pour faire ce qu’on pourrait appeler « les Etats généraux de la nation de 1960 à 2013 ». Ce sera sous forme d’un grand forum, le plus ouvert et large possible, qui se tiendra sans passion mais avec toute la lucidité, le réalisme et l’objectivité requise.
Oui ! Il va falloir repenser l’ensemble des règles de fonctionnement de notre Etat si nous voulons laisser à la postérité ce que nous avons reçus de nos devanciers, notamment en ce qui est des responsabilités et obligations des uns et des autres.
Pour se faire, nous devons nous enrichir de nos échecs, de nos lacunes et insuffisances du passé et du présent, chacun et chacune en ce qui le concerne, pour mieux bâtir et aborder l’avenir commun.

Vivement donc que cette crise se tasse pour que le peuple malien dans sa globalité et dans toute sa diversité se retrouve afin de définir et de convenir de sa « feuille de route » pour un meilleur vivre ensemble apaisé, convivial et équilibré reposant sur le socle inébranlable des valeurs de liberté, de justice, d’équité et d’égalité pour tous dans une société solidaire et en paix.
Ce Mali de demain, celui de nos rêves et de nos aspirations profondes et légitimes, sera éternel. Car, il saura résister aux vents, aux tempêtes et même aux cyclones des plus insignifiants aux plus dévastateurs.

Bréhima Sidibé

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