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Interview : ‘’Le Franc des Colonies Françaises d’Afrique (F CFA) est la cause principale de l’appauvrissement de l’Afrique’’, dixit Broulaye Bagayoko
Publié le mardi 8 aout 2017  |  confident
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© Autre presse par DR
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Le Franc Cfa, dit-on est un mécanisme de domination et d’apprivoisement des Etats africains. M. Broulaye BAGAYOKO, du réseau Africain du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM-Afrique). Un mouvement social connu pour sa lutte pour la souveraineté africaine, nous en donne plus d’éclairages.

Le Confident : Quelle est l’ origine du Franc CFA



B B : En ce qui concerne le CFA, les français n’ont pas imaginé eux-mêmes ce mécanisme. C’est un procédé qui leur a été appliqué par les allemands lorsque les français étaient sous leur occupation entre 1939 et 1944. Les allemands, dès l’occupation de la France et des pays d’Europe inventèrent des monnaies locales (Deutsch des territoires occupés) qu’ils associèrent au vrai Deutsch mark (monnaie allemande de l’époque).

Les allemands ont mis en place ces monnaies, avec un mécanisme qui permettait à l’Allemagne nazi le pillage en règle des territoires occupés. Avec ce mécanisme, la France supportait en vertu d’un accord dans les années 1940, les charges des exportations industrielles ou commerciales faites à destination de l’Allemagne. En contrepartie, elle avait un crédit en Allemagne en marks. Ce crédit, elle ne pouvait en disposer que pour les payements à faire à l’Allemagne, donc des charges supplémentaires pour sa trésorerie. A la fin de la guerre (1945), la France ne s’est pas gênée: elle a copié exactement le mécanisme nazi, qu’elle a appliqué à ses colonies d’Afrique; et ça dure jusqu’à nos jours.

La signification du franc CFA a évolué avec le temps, en fonction des contextes politiques, toujours dans le souci d’endormir les africains. Le franc CFA a été créé le 25 Décembre 1945 par un décret signé par trois français : Charles De Gaulle (président du gouvernement provisoire) ; René Pleven (Ministre des Finances) ; et Jacques Soustelle (Ministre des colonies). La signification du franc CFA était alors Franc des « Colonies Françaises d’Afrique » puis, à partir de 1958, « communauté française d’Afrique ». Aujourd’hui, le Franc CFA signifie, franc de la « communauté financière africaine » en Afrique de l’Ouest, et franc de la « coopération financière en Afrique centrale » On joue sur les mots pour mieux cacher la réalité qui pourrait choquer. Nous préférons la première dénomination qui reflète le mieux la réalité.

Quels sont les pays membres de la zone Franc ?

Le franc CFA (FCFA), est utilisé par 14 pays africains et les Comores.

La zone franc compte en effet deux sous-ensembles en Afrique : l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uémoa) composée de huit pays (Bénin, Burkina, Côte-d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac) qui rassemble six États (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée-Équatoriale et Tchad). Chacune a sa banque centrale : la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Dakar, et la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC), à Yaoundé. Les billets et pièces de monnaie de la Cémac ne sont pas utilisables au sein de l’Uémoa et vice-versa.



Quels principes régissent cette zone ?

La zone franc repose sur quatre principes :

La centralisation des réserves de changes qu’on appelle le compte d’opérations;

Le principe de la libre convertibilité des francs CFA en francs français hier et aujourd’hui en Euros;

Le principe de la fixité des parités;

Le principe de la libre transférabilité des capitaux de la zone franc CFA vers la France.



Expliquez-nous le fonctionnement des comptes d’opérations ?

La convention entre la France et l’Afrique de la zone franc stipule que: «Les Etats membres conviennent de mettre en commun leurs avoirs extérieurs dans un fonds de réserves de change. Ces réserves feront l’objet d’un dépôt auprès du Trésor Français dans un compte courant dénommer compte d’opérations».

En contrepartie du respect rigoureux de ce principe de centralisation des réserves de change à Paris par les Africains, le Trésor Français s’engage à fournir toutes les sommes dont les Banques centrales africaines peuvent avoir besoin, aussi bien pour leurs règlements à l’intérieur de la zone que pour leurs paiements extérieurs en devises. Le compte d’opérations peut devenir débiteur sans qu’aucune limite ne soit assignée à ce découvert. Lorsque le solde est débiteur, le Trésor Français perçoit des intérêts payés par les Africains. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque le solde du compte d’opérations est créditeur, le Trésor Français verse des intérêts aux Africains.

De 1945 à 1973, quand les Africains exportaient par exemple les matières premières pour 100 milliards de dollars, ils déposaient tous les 100 milliards de dollars dans le Trésor français. De 1973 jusqu’en 2005, s’ils exportaient pour 100 milliards de dollars, les Africains étaient obligés de déposer 65 milliards au Trésor français dans le fameux compte d’opérations. Depuis le 20 septembre 2005, on est passé à 50% Pour l’Afrique de l’ouest et 50% Pour l’Afrique centrale. Ce qui veut dire que si les Africains exportent à hauteur de 100 milliards de dollars ou d’Euros, ils sont tenus de déposer 50 milliards en France. Et lorsqu’un acteur quelconque vient acheter les matières premières africaines, il les paye en dollars. Également, 50% de ces fonds sont purement et simplement récupérés par les Banques Françaises, et le reste descendent en Afrique

En outre, si la France demande aux africains, d’exporter les matières premières dont elle a besoin pour 100 millions d’euros par exemple. Lorsque les africains ont exporté, au lieu de les payer, la France prend son stylo et écrit un signe PLUS dans le compte d’opération. Elle ne débourse aucune devise. Or, si ce sont les nigérians ou les ghanéens qui exportent, la France est obligée de sortir 100 millions d’euros des coffres forts pour les payer. Les « comptes d’opérations » rapportent un peu d’argent à la France. Certes, la BEAC et la BCEAO gagnent un peu mais les rendements sont faibles, car le taux fixé est de 1,5 % depuis le 11 juillet 2012 ; pour la quotité obligatoire des dépôts, 0,75 % depuis le 11juillet. Ces taux émanent de la Banque centrale européenne. Pendant ce temps, rien n’empêche ledit Trésor de placer ces avoirs africains à des taux plus intéressants, lorsque les circonstances monétaires le permettent, et de récupérer la différence.

Pour la zone UEMOA, les avoirs extérieurs nets s’élèvent au 31 décembre 2014 à 5 208 milliards de franc CFA pour la BCEAO, soit un taux de couverture de l’émission monétaire de 84,3 %. Pour la zone CEMAC, les avoirs extérieurs nets s’élèvent à la même période à 8 387 milliards de franc CFA pour la BEAC, soit un taux de couverture de l’émission monétaire de 89,8 %, via le mécanisme dit de ‘compte d’opérations’ ». En 2015, la BCEAO et la BEAC ont été contraintes de confier au trésor français 50% de leurs réserves, soit 6700 milliards de francs CFA pour ne recevoir en rémunération que 45 milliards en intérêts, soit 0,70% de rendement. Pire, la part d’intérêts versée aux banques centrales est comptabilisée dans l’Aide Publique au Développement. Ces fonds pourraient servir à financer des investissements publics qui auraient pour objectif la hausse de la productivité de nos économies dans les infrastructures par exemple.

C’est quoi le principe de la fixité des parités ?

Ce principe signifie que l’Afrique est dépouillée de l’arme monétaire. A titre d’illustration, lorsqu’un pays voit son économie dans un sens ou dans un autre, il peut à tout moment dévaluer ou réévaluer sa monnaie pour se protéger ou pour avoir ses intérêts qui sont couverts. Par exemple, les Etats Unis après l’attentat du 11 septembre 2001, a baissé la valeur du dollar. Du coup, l’euro s’est retrouvé appréciée. Du coup, les produits européens sont devenus trop chers, non compétitifs. Par contre les Etats Unis peuvent vendre en Europe : c’est ça l’outil monétaire. Les pays africains de la zone franc n’ont pas ce droit là parce que le taux de parité est fixe.

Nous sommes sur le marché des changes où il y a la loi de l’offre et de la demande. Donc, si la quantité du FCFA est supérieure à sa demande, normalement son coût baisse et au lieu qu’un euro soit 655.957, ça devient 1200 ou 1500.La France demande aux africains d’acheter leur propre monnaie or on ne peut pas acheter le CFA avec le CFA, on l’achète avec des devises. Donc, la France puise dans les comptes d’opération, des multiples milliards pour pouvoir faire remonter la demande du FCFA. C’est ce qu’on appelle soutenir la monnaie. Donc, les africains passent beaucoup de temps à gaspiller leurs devises à soutenir le FCFA plutôt qu’à utiliser les devises pour pouvoir importer les biens. Cela fait partie des réalités.

Quelle comparaison établir entre les pays sous régime franc et ceux sous d’autres régimes monétaires ?

1€= 1500 Won, monnaie de la Corée du Sud, et le revenu par habitant est de 32 000 dollar par an et par personne alors qu’il était de 690 dollars en 1960. Le won est 2 fois plus faible que le F CFA.

En Indonésie: 1€= 16 500 Roupie, PIB/habitant 5 100

Au Vietnam: 1€= 29 000 Dong, revenu par habitant 3 100

En Iran: 1€= 35 000 Rial, revenu par habitant 13 200 et le Rial est 52 fois plus faible que le FCFA.

Parlez-nous de l’anti-constitutionnalité du franc CFA ?

Sur le plan constitutionnel, battre monnaie est un droit régalien qui relève de la compétence exclusive du peuple souverain. Dans toutes leurs constitutions nationales, les quinze pays membres de la zone Franc affirment unanimement que seule la loi votée par le Parlement « détermine le régime d’émission de la monnaie ».

Comment la monnaie est perçue par les populations de la zone franc ?

Le FCFA doit être au cœur du débat parce que c’est un tabou monétaire et non politique. On a déconnecté la gestion du FCFA du quotidien des populations. Aujourd’hui, personne au niveau des pays membres de la zone Franc ne peut vous dire comment fonctionne cette monnaie ? Pourquoi elle se déprécie ou s’apprécie ? Donc, il y a besoin de démocratiser le débat sur le FCFA. Les citoyens dans le cadre du contrôle de l’action publique, devraient savoir quels sont les éléments qui orientent la politique monétaire de la Banque Centrale.

Nous serons 9 milliards d’humains en 2050 (Mali : plus de 25 millions avec un Taux de croissance démographique supérieur à 3,0% par an et une population particulièrement jeune, 44 % de la population a moins de 14 ans). A la question de Comment nourrir cette population implique la mise en action de modèles économiques contraires à celles imposées par le système capitaliste.

D’après les prévisionnistes, les statistiques que nous avons en termes d’entrée des jeunes sur le marché du travail sont alarmantes c’est-à-dire qu’on attend pour les 40 prochaines années, 600 millions de jeunes dont 15 millions en Afrique subsaharienne. Celles de l’OCD parlent même de 900 millions dont 830 millions en Afrique subsaharienne. Alors que le contenu structurel de la croissance en Afrique est très faible. En ce sens qu’elle est volatile : liée aux aléas climatiques et les matières premières. Cette croissance est faiblement créatrice d’emploi et les secteurs à fort potentiel de croissance sont capitalistiques : les Mines par exemple.

Alors si rien n’est fait, tous ces jeunes finiront par migrer. Les migrants économiques ne sont que les victimes de vos politiques injustes en Afrique.

Recueillis par Daouda Z Kane

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