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Violences faites aux femmes : Un phénomène à la fois répandu et insidieux
Publié le mardi 25 novembre 2014  |  L’Essor




Elles sont exercées sous différentes formes. Les victimes souffrent généralement en silence de peur d’en rajouter à leur douleur.
Oumou, Awa, Sokona, Kadi (des noms d’emprunt), quatre femmes, quatre histoires différentes mais un problème en commun. Elles sont toutes des victimes de la violence infligée aux femmes. En effet, ce phénomène comme un peu partout dans le monde, est courant dans notre pays. Elles sont nombreuses à vivre le calvaire en silence. Cependant, de plus en plus d’entre elles acceptent d’en parler. Grâce aux efforts de l’Etat, des organisations de défense des droits des femmes et des cliniques juridiques.
La violence faite aux femmes et aux filles est avant tout sexiste, favorisée par les inégalités de pouvoir entre les hommes et les femmes dans un contexte historique de discrimination et de domination masculine. Elle se définit comme tout acte de violence dirigé contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée.
La violence contre les femmes et les filles, massivement commise par des hommes, constitue un fléau qui transcende les pays, les ethnies, les cultures, les classes sociales et les classes d’âge. Elle représente une atteinte grave à leur intégrité physique et psychique et une violation de leurs droits fondamentaux à la vie, à la sécurité, à une égale protection de la loi à ne subir de discrimination sous aucune forme, à l’égalité et à la dignité, au meilleur état de santé physique et mentale possible et à ne pas être soumise à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, a déploré que « la violence contre les femmes et les filles demeure inchangée dans tous les continents, tous les pays et toutes les cultures. Le tribut payé par les victimes, leur famille et la société dans son ensemble, est accablant. La plupart des sociétés interdisent cette violence, mais en réalité elle est trop souvent passée sous silence ou tacitement tolérée ». En effet, les actes violents évoquent honte et culpabilité, entraînant souvent une stigmatisation des victimes et un rejet de la part de la famille ou de la communauté.
Dans notre pays, le problème est réel. Rien que dans la capitale, entre 2010 et 2012, on a dénombré 576 cas de violences dont 130 cas spécifiques de coups et blessures et 66 cas de viols. Mais il ne s’agit là que de la partie visible de cette problématique car trop souvent, au Mali, les victimes de violences n’osent pas porter plainte. De nombreux cas ne sont donc pas répertoriés par les autorités.
Les femmes et les filles sont victimes de plusieurs sortes de violence comme les coups et blessures, le gavage des jeunes filles en vue d’un mariage précoce, les viols, l’excision, le harcèlement sexuel, la répudiation, le mariage forcé et précoce, le rapt de femme, la discrimination dans l’héritage, la séquestration religieuse, le port forcé du tchador, l’abandon prolongé de la femme pour raison d’exode.
Le phénomène a gagné en ampleur à la faveur de la crise institutionnelle, conduisant à une étude réalisée en 2013 et intitulée : « Justice et réparation pour les femmes au nord du Mali ». Selon cette étude, sur 51 cas de viol détectés, près de la moitié des victimes, soit 46%, ont été agressées dans un endroit public. Dans dix cas de viol collectif, la violence a été perpétrée par un groupe de quatre hommes. Et quatre des 10 victimes ont entre 11 et 15 ans. Plusieurs femmes âgées (plus de 46 ans) ont été victimes de viol également. Cependant, plus de 50% des victimes ont entre 16 et 25 ans. Dans certains cas, le viol a conduit à des grossesses non désirées et à des fausses couches. Les cas de viol individuel subi par une mère et sa fille simultanément ont été relatés dans le document.

TOLERANCE COUPABLE. Pour revenir aux histoires de nos quatre victimes, Oumou, tout comme Awa ont eu recours aux services de l’Association pour la promotion des droits des femmes (APDF). La trentaine, dépravée mais surtout désorientée, Oumou porte un enfant au dos et tient un autre par la main. Elle attend d’être reçue par l’association car sa vie vient de basculer. En effet, après plus de 10 ans de mariage, son mari l’a répudiée pour la simple raison qu’il veut se remarier et qu’il manquait de moyens pour prendre deux foyers en charge. Battue et humiliée, Oumou a été contrainte d’abandonner le foyer conjugal avec ses quatre enfants.
L’APDF peut l’aider à ester en justice contre son mari mais ce sera certainement une longue bataille judiciaire car Oumou n’était mariée que religieusement.
Quant à Awa, son histoire est connue de longue date à l’APDF. Cependant la victime continue de souffrir le martyr. Awa vit avec un mari violent qui la battait pour un « Oui » ou un « Non ». Lasse d’être toujours la risée de la famille, la pauvre décida d’aller se confier à l’APDF en espérant que cela dissuaderait son mari.
Sa démarche eut comme effet d’arrêter la violence à son encontre. Mais son mari décida de se remarier et Awa devint la tête de Turc de sa belle-famille. Elle n’est pas loin de regretter de n’avoir pas continué à souffrir en silence.
Sokona et Kadi sont des victimes des jihadistes pendant l’occupation. La première, une lycéenne de 20 ans, a été victime d’un viol collectif à Tombouctou ; la seconde mariée et mère de jumelles, a été battue et emprisonnée pendant plusieurs jours.
Mme Cissé Moussokoro Soulalé de la direction nationale de la promotion de la femme, explique qu’en 2014, malgré leur fréquence et leur gravité, ces violences faites aux femmes font toujours l’objet au mieux d’une méconnaissance et d’une sous-estimation, au pire d’un déni ou d’une tolérance coupable. Les victimes font l’objet d’une véritable loi du silence qui leur est imposée avec fréquemment des menaces, des pressions et des manipulations.
Des efforts sont pourtant fournis au quotidien par l’Etat et ses partenaires, les associations de défense des droits des femmes et les cliniques juridiques pour aider les femmes victimes de violence à recouvrer leurs droits et leur dignité. Les progrès accomplis dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles couvrent les domaines juridiques et institutionnels. On ne peut pas parler des défis sans mettre l’accent sur un certain nombre d’aspects. D’abord les réalités socioculturelles et religieuses, ensuite l’harmonisation des textes des lois nationales avec les normes juridiques régionales et internationales ; la connaissance des textes de lois par les femmes et les filles.
Cependant en dépit des instruments nationaux et internationaux de protection de la femme, signés et ratifiés par notre pays, constate Moussokoro Soulalé, les violences ne faiblissent pas. Bien au contraire, elles gagnent en intensité dans tous les pays du monde, le Mali compris. « Ces violences sont présentes dans tous les segments de notre société et causent de sévères souffrances aux survivantes. Malheureusement, ces survivantes souffrent dans une indifférence qui finit par les détruire à petit feu », déplore-t-elle.
D’avril 2012 au 31 décembre 2013, l’UNFPA et l’UNICEF ont dénombré 6.227 cas de violences basées sur le genre, parmi lesquels 2.383 cas pendant l’occupation en 2012 et 3.844 nouveaux cas de janvier au 31 décembre 2013. 20% des victimes sont des enfants (799 filles et 417 garçons) et 80% des adultes (4027 femmes contre 984 hommes).
Au détail, on dénombre 611 cas de viols et violences sexuelles, 551 cas de violences physiques (inclus coups et blessures volontaires, séquestration et autres brutalités physiques), 2.343 cas de violences psychosociales/émotionnelles, 1.694 cas de dénis de ressources/opportunités et 1.028 cas de pratiques traditionnelles néfastes (mariages précoces/forcés et excision).
Ces chiffres, plutôt révoltants, ne sont qu’une triste partie de l’ensemble des violences faites aux femmes. C’est pour combattre le phénomène au niveau planétaire que l’ONU a consacré le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
M. A. TRAORE


PREVENTION ET REPONSES
La problématique des Violences basées sur le genre (VBG) est une réalité dans notre pays. Les actions coordonnées et concertées des acteurs du sous-cluster VBG composé de l’UNFPA et de l’UNICEF ont permis de lui apporter des réponses entre avril 2012 et octobre 2013. Ainsi, dans le domaine de la prévention, selon Mme Sangaré Aminata de l’Unicef, les interventions des ONGs partenaires ont permis de toucher 280 784 personnes dont (56 518 filles, 25 925 garçons, 215 052 femmes, 87 158 hommes) par les messages de sensibilisation et d’orientation vers les services de prises en charge sur les violences basées sur le genre dans les régions de Kayes, Koulikoro, Mopti, Gao, Tombouctou et le district de Bamako.
Aussi, 34 418 messages de prévention et d’orientation des survivantes des VBG vers les services de prise en charge s’adressant aux adolescents, femmes, hommes, agents humanitaires et parents, ont été diffusés en français et dans 6 langues principales du pays (Bambara, Songhoy de Gao, Songhoy de Tombouctou, Peulh, Dogon, Bozo) à la radio nationale et sur les radios URTEL de Mopti et Ségou. Ces messages ont été repris dans les médias publics et privés des régions du Nord. Ce qui a facilité la référence des survivantes vers les services de prise en charge et a permis d’amorcer une dynamique de conscientisation communautaire sur les violences basées sur le genre incluant en situation d’urgence telles que les violences sexuelles (viols, harcèlement, tentatives de viol), physiques et psychologiques.
De 2012 à nos jours, explique notre interlocutrice, beaucoup d’efforts ont été faits en matière de prévention, réponse et coordination des actions contre les violences basées sur le genre mais il existe toujours un besoin urgent de prévention et de réponse à l’endroit des communautés affectées par le conflit armé, notamment dans les domaines de la restauration du système judiciaire, la formation des acteurs sociaux (santé, psychosociale) et ceux de la sécurité police, gendarmerie, forces armées (nationales et internationales), judiciaire (juridique et para juridique). Cela pour permettre les poursuites judiciaires, le renforcement de la dénonciation, et la promotion de la protection des mœurs. La prévention et les réponses médicale, psychosociale et socioéconomique doivent requérir une attention particulière mais les moyens au niveau du sous-cluster violences basées sur le genre ont été très insuffisants en 2014.
M. A. T.
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L’Essor N° 17187 du 17/5/2012

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