22 Septembre 1960-22 Septembre 2015, la République du Mali aura demain jour pour jour 55 ans. C’est après l’éclatement de l’éphémère fédération du Mali regroupant le Soudan et le Sénégal, le 20 Août 1960, que le président Modibo Keita sous les « Youyous » des citoyens du Soudan, proclamait l’Indépendance du Mali, le jeudi 22 Septembre 1960. De cette date historique à aujourd’hui, le Mali aura connu 3 Républiques, 5 présidents de la République, 7 chefs d’Etat, 3 coups d’Etat, 2 Transitions et 16 Premiers ministres.
55 ans après, cette ferveur de l’accession à la Souveraineté Nationale et Internationale anime- t-il toujours les Maliens ? L’enchantement semble laisser la place aujourd’hui au désenchantement ? L’intégrité territoriale du Mali est menacée, le respect du bien public est travesti par des scandales à répétition, la corruption méconnue il y a 55 ans est aujourd’hui le lot quotidien de la République, l’école est devenue la risée et le chômage a gagné des proportions inquiétantes. 55 ans après son indépendance le Mali va mal. Aujourd’hui 22 Septembre 2015 la fierté nationale tient plus aux Sports qu’à tout. Rétrospective sur quelques grands événements qui ont jalonné le parcours du Mali.
Le Mali de 1960 à 1968 : Modibo Keita ou les années de fierté nationale
La République du Mali, héritière de trois grands empires, à savoir l’empire du Ghana, l’empire du Mali et l’empire Songhaï, accéda à la souveraineté nationale et internationale le Jeudi 22 Septembre 1960. Modibo Keita en fut le premier président. Il bâtit la première République dans la douleur, mais aussi dans l’abnégation, l’amour du pays et le don de soi. Il a voulu exprimer la grandeur de la personnalité africaine, défendre les valeurs sociétales de l’homme noir en rompant avec le système colonial sur les cendres duquel il a voulu bâtir un pays totalement indépendant politiquement, économiquement et culturellement stable. Ayant compris très tôt le fonctionnement du système capitaliste, Il a voulu se tourner vers de nouveaux horizons à l’antipode de la politique d’aliénation, de soumission, d’exploitation et d’assimilation du colonisateur français. Le Mali indépendant a opté pour le bloc de l’Est d’obédience socialiste dont les têtes de proue étaient la Chine et l’URSS.
En seulement huit ans de gouvernance le Mali de Modibo Keita comptait plus d’une dizaine de sociétés et entreprises d’Etat et sa voix qui était assimilée à celle de l’Afrique était audible au cours de tous les foras à travers le monde. Son engagement dans le combat pour la réalisation de l’unité africaine fut sans faille. La première République a vécu et elle sera morte, non pas parce qu’elle aura montré ses limites contrairement à une idée répandue, mais seulement parce qu’elle défendait les intérêts de l’Afrique au détriment de ceux de l’occident en général et de la France en particulier qui a juré de faire payer au Mali de Modibo Keita dont la personnalité complexait même le général De Gaulle son sentiment nationaliste et panafricaniste jugé anti français d’où le coup d’Etat du 19 novembre 1968.
La Deuxième République sous GMT : Ou la chute des valeurs soudanaises
Un 19 Novembre 1968, une junte militaire conduite par le lieutenant Moussa Traoré s’empara du pouvoir ainsi commença la longue et tumultueuse marche du Mali vers le bas. La gestion de Modibo est passée au crible par le régime d’exception du Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN) aidé en cela par les « ennemis du Mali ». Un complot de liquidation de tout ce que le régime Keita a construit est mis en marche. Les sociétés et entreprises d’Etat sont systématiquement bradées ou liquidées. Les opposants civils et militaires au CMLN sont embastillés. Le régime d’exception durera plus de 10 ans. Le 2 juin 1974, une nouvelle constitution est proposée aux Maliens par référendum qui votent pour la première fois depuis la chute du président Modibo Keita.
Sans surprise, le « oui » l’emporte par près de 99 % des voix. La nouvelle constitution démocratise en apparence la vie politique. Elle prévoit l’élection d’une Assemblée Nationale mais institue un système de parti unique. Ainsi le 30 mars 1979, le gouvernement annonce formellement la création d’un parti politique unique, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM) dont le congrès constitutif se tint à Bamako du 28 au 31 mars 1979 dont le MPR de Choguel Kokalla Maiga se réclame.
Le retour à une « vie constitutionnelle normale » se confirme. Moussa Traoré règnera sans partage et dans la terreur totale pendant 23 ans. Le déclin de son régime ne sonna qu’en juin 1990, date historique pour la plupart des pays africains. Elle marque le début du processus de démocratisation en Afrique à la suite du Sommet franco-africain de La Baule au cours duquel le Président socialiste français, François Mitterrand conditionna la continuité de l’aide publique française au développement au degré de l’avancement démocratique dans les pays francophones.
La même année voit la création de plusieurs associations et mouvements politiques tels que le Congrès national d’initiative démocratique (CNID), l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA) et l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) qui s’allieront pour dénoncer le régime dictatorial du Général Moussa Traoré. Ainsi, le 26 Mars 1991, un groupe de jeunes officiers avec à sa tête le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré mettra fin au calvaire des maliens après plusieurs journées de marches et d’émeutes sanglantes.
Une transition de 14 mois sous l’autorité des forces démocratiques regroupées au sein du Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP) procédera à la mise en place d’une nouvelle Constitution, chartes des partis et Code électoral qui consacreront à la grande satisfaction de tous, à la naissance de la 3e République. Elle organisera les premières élections générales, libres, transparentes, démocratiques et inclusives qui verront la victoire écrasante et populaire du président Alpha Oumar Konaré de l’ADEMA-PASJ après un long combat à travers la coopérative JAMANA et le journal « Les Echos », premier journal indépendant du Mali. Ainsi naquit la Démocratie.
La troisième République : Ou les années de la Renaissance démocratique
La Démocratie est née au Mali après plus de deux décennies de combat souvent dans la clandestinité par des patriotes. C’est pourquoi la Constitution du 25 Février 1992 consacra l’ouverture démocratique et garantira toutes les Libertés Publiques : liberté d’expression, liberté d’association, liberté de culte…
Le président Alpha Oumar Konaré peut après 20 ans de recul être considéré comme le père du Mali démocratique. Il jeta les bases d’un véritable encrage démocratique et portera haut la voix du Mali comme son prédécesseur le président Modibo Keita aux foras et sommets mondiaux. Après deux mandats, dont les bilans furent globalement positifs, il organisera des élections et passera le témoin à ATT. Pendant près de dix ans ATT aussi dirigera le Mali tout en pérennisant les acquis de la Démocratie tels que légués par son prédécesseur. Il réussira à réconcilier les Maliens en faisant une ouverture à l’endroit des anciens dignitaires du régime défunt du Général Moussa Traoré. Mais à la grande déception de tous, quelques mois avant la fin constitutionnelle de son mandat, sa gestion inappropriée de la crise au nord du Mali sonnera le glas de son régime qui tombera à la suite d’une mutinerie de l’armée dirigée par le capitaine Amadou Haya Sanogo. Une nouvelle Transition, la deuxième du genre après celle de la Conférence Nationale sera instaurée avec à sa tête le Professeur Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée Nationale. Le nouveau Chef de l’Etat gérera la grave crise du nord consécutive à l’annexion des 2/3 du territoire. Il réussira à organiser les élections présidentielles qui verront l’arrivée du président Ibrahim Boubacar Keita IBK avec un score jusqu’ici jamais égalé, de 77, 6% des électeurs inscrits. D’où la cristallisation de toutes les attentes. Mais deux ans après son sacre, la fierté nationale des Maliens tient plus aux sports qu’à tout.
22 Septembre 2015 : Quand la fierté nationale tient plus aux Sports qu’à tout
Aujourd’hui, devant la mal gouvernance généralisée, l’un des motifs de satisfaction pour le peuple malien, semblent être les performances sportives de nos différentes équipes nationales de Basketball, de Football et de Handball. Il va sans dire que si la classe politique dirigeante mouillait aussi le costard cravate autant que nos vaillants sportifs et athlètes, le pays marcherait résolument vers le développement et l’émergence. Nos sportifs et nos athlètes, malgré leur jeune âge nous montrent le chemin et sont aujourd’hui un bel exemple à suivre pour l’élite dirigeante au pouvoir : « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années », une maxime bien connue et qui s’applique à merveille à nos jeunes hérauts. Une victoire en appelant une autre, les Aigles dames basketteuses viennent encore de plastronner sur le toit de l’Afrique en arrachant une victoire de haute portée pour le moral actuel des maliens à deux ans du pouvoir IBK, à la finale des 11èmes jeux africains de Brazzaville. Quel bonheur !
En définitive, le Mali de 1960 à nos jours aura connu des hauts et des bas. Il revient désormais après nos sportifs à la classe politique de prendre conscience de la partition qui reste la sienne dans l’édification d’un Mali prospère et émergent.
Youssouf Sissoko