Soupçonneux, grincheux, le camp Soumi, emporté par une tempête de panique, tente de faire porter à la communauté internationale une camisole de force par le truchement d’une certification des résultats du vote. Dans cette quête obsessionnelle, la surenchère devient l’arme favorite. Chronique d’une stratégie.
Face aux accusations, par le camp Soumaïla CISSE, de fraudes présumées autour du fichier électoral, qui existerait en deux versions, le Gouvernement par la voix du Premier ministre, Soumeylou Boubeye MAIGA, a tenu à lever toute équivoque.
Les gages de transparence
Dans sa Déclaration de presse du 23 juillet on peut lire, entre autres : ‘’je voudrais dire sans aucune équivoque qu’il n’y a qu’un seul fichier électoral, celui qui a été audité en fin avril et sur la base duquel les listes électorales et les cartes d’électeurs ont été imprimées. C’est aussi ce fichier qui a été mis sur internet’’.
‘’ (…) Je dois aussi rappeler que les cartes sont distribuées par les représentants des partis politiques. À ce jour, aucun parti n’a pu nous souligner l’existence de cartes qui seraient faites au nom de personnes fictives, ou de cartes sans photos’’.
‘’(…) Pour lever toutes les autres équivoques qui pourraient être entretenues, demain 24 juillet le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation rencontrera, dans le cadre de concertation établi à cette fin, les candidats ou leurs représentants, ainsi que les représentants de la communauté internationale. Au cours de cette rencontre, je lui ai demandé d’inviter les candidats qui contestent à s’accorder sur deux personnes de leur confiance que nous pourrions envoyer auprès de l’Imprimerie nationale de France qui détient encore le ficher audité dans ses coffres, pour consulter ce fichier et le confronter avec le fichier que nous avons mis en ligne sur le site internet de la Délégation Générale aux Elections (DGE)’’.
‘’De la même manière, pour lever toutes sortes d’équivoques, nous allons ouvrir à l’observation de toutes les phases de l’élection, y compris à la centralisation, à la participation de toutes les organisations internationales, c’est-à-dire l’Union Africaine, l’Union Européenne, la MINUSMA, la CEDEAO et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Leurs observateurs pourront assister en même temps que les représentants des candidats à la centralisation des résultats’’.
Abondant dans le même sens que le chef du Gouvernement, le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Mohamed Ag Erlaf, a asséné lors de la rencontre du Cadre de concertation Administration territoriale/Partis politiques, le mardi 24 juillet dernier qu’«Il n’y a pas de fichier parallèle. Il n’y a qu’un seul fichier électoral». «(…) Ce fichier comprend 8.000.462 électeurs, répartis entre 23.045 bureaux de vote. C’est sur ces données que nous allons organiser les élections». Il met quiconque au défi d’apporter la preuve de l’existence d’un fichier parallèle.
Le Délégué général aux élections, Siaka SANGARE, rajoute une couche d’assurance, en révélant que pendant la confection des cartes biométriques, une délégation de trois personnes, dont une de la Majorité, une de l’Opposition et enfin une de la société civile, a été envoyée en France pour constater les conditions de travail.
Autant dire que rien n’a été caché dans le processus de confection de la carte d’électeur biométrique, une autre exigence pressante de l’Opposition.
La politique de la chaise vide
Nonobstant l’offre mirobolante du Premier ministre et les assurances apportées par le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, le camp Soumi champion a pourtant brillé par son absence, ce mardi 24, au Cadre de concertation convoqué d’urgence par le Premier ministre. Selon un membre du Directoire de campagne de Soumaïla CISSE, joint hier au téléphone, la politique de la chaise vide était motivée par le fait que le Cadre proposé au Premier ministre n’était pas celui offert. En effet, a-t-il poursuivi, le camp de Soumaïla Cissé avait proposé, lors de sa rencontre avec le Chef du gouvernement, une concertation avec un nombre restreint de participants. Selon le même responsable politique, le camp Soumi souhaitait également une certification des élections par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Si le camp du candidat de la restauration de l’espoir assure ne plus faire confiance à la Délégation générale aux élections (DGE), il est par contre rassuré par les propos du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ainsi, le camp de Soumaïla Cissé fait savoir que le pont n’est pas complètement coupé avec le Gouvernement et qu’il y a toujours des canaux non officiels de discussion. En tout état de cause, les contestataires disent tenir à la présence des observateurs, à tous les niveaux, dans les bureaux de vote, dans la Commission de centralisation. Ils sont prêts à faire partie du groupe de deux personnes de leur confiance qui pourraient être envoyées auprès de l’Imprimerie nationale de France qui détient encore le ficher audité dans ses coffres, pour consulter ce fichier et le confronter avec le fichier qui a été mis en ligne sur le site internet de la Délégation Générale aux Elections (DGE).
La mauvaise foi
En somme, le camp Soumi explique son boycott par le fait qu’il aurait proposé au Premier un format de Cadre de concertation avec un nombre restreint de participants. Il est de sa responsabilité d’apporter la preuve de son offre. Passe.
Pour ce qui est du nombre, le Premier ministre dans sa déclaration de presse a été on ne peut plus clair : les participants aux concertations étaient : ‘’les candidats ou leurs représentants, ainsi que les représentants de la communauté internationale’’. A ce qu’on sache, il y a 24 candidats, ni plus ni moins qui sont concernés à égalité de titre par la question du fichier électoral. De façon schématique, les participants n’étaient que les 24 candidats ou leurs mandataires, les représentants de la Communauté internationale et de l’Administration. A moins de frapper certains candidats d’ostracisme, l’on ne saurait parler de pléthore de participants. Ont pris part à la rencontre, uniquement ceux qui devraient y prendre part. Ce qui bat en brèche l’argument ou l’alibi de Cadre avec un nombre restreint de participants.
Le camp Soumi exige la présence des observateurs internationaux au Cadre de concertation et à toutes les étapes du processus électoral : bureaux de vote, commission de centralisation.
Le Cadre de concertation, par vocation, réunit l’Administration territoriale et les Partis politiques. Son intitulé est suffisamment édifiant : ‘’Cadre de concertation Administration/Partis politiques’’. A priori, les observateurs n’y sont pas conviés.
Le passage en force
En ce qui est de la présence des observateurs à toutes les étapes du processus, Soumi ne fait qu’enfoncer une porte déjà ouverte, puisque le Premier ministre a annoncé l’ouverture à l’observation de toutes les phases de l’élection, y compris à la centralisation, à la participation de toutes les organisations internationales. Où est le problème ? Sur ce point également, Soumi n’avait aucune raison de bouder le Cadre de concertation.
Relativement à la certification de l’élection par la MINUSMA, ce n’est qu’un baroud d’honneur que tente Soumi champion. On se rappelle, le lundi 12 mars dernier, dans un mémorandum, les Partis politiques de l’Opposition avaient demandé ‘’au Conseil de Sécurité d’ajouter au mandat de la MINUSMA qui sera renouvelé prochainement, une plus grande implication dans l’organisation de l’élection présidentielle allant jusqu’à la certification des résultats comme en Côte d’Ivoire en 2011’’.
La consternation
Mais la réponse du Secrétaire général de l’ONU, Antonio GUTERRES, lors de sa conférence de presse, à l’issue de sa mission dans le pays, en fin mai 2018, a été sans équivoque : ‘’les Nations Unies ne sont pas un arbitre. Le Mali est un pays souverain. Les Nations Unies sont et seront un ami fidèle du Mali et nous sommes à la disposition naturellement du Gouvernement et de l’opposition pour tout faire pour appuyer la réalisation des élections, pour qu’elles puissent être des élections exemplaires’’.
La question était donc définitivement tranchée.
Mais ce qu’il y a de consternant, pour des gens qui aspirent aux plus hautes fonctions de l’État, c’est le manque de confiance envers les institutions de leur propre pays. Et pour cause, la Constitution à laquelle ils semblent tenir tant dispose, en son article 87 : ‘’la Cour constitutionnelle est saisie, en cas de contestation sur la validité d’une élection, par tout candidat, tout parti politique ou le délégué du Gouvernement, dans les conditions prévues par une loi organique’’. Quand un candidat n’est pas capable de faire confiance aux institutions de son pays, il y a lieu de s’interroger sur l’objet même de sa candidature aux charges suprêmes.
‘’ Nous n’irons pas aux élections avec un fichier électoral avarié, parallèle…’’ ; ‘’le pont n’est pas complément rompu avec le Gouvernement’’… Le camp Soumi manie surenchère et réalisme. La certitude est que l’élection du Président de la République se tiendra le 29 juillet 2018 et qu’aucune loi en République du Mali ne stipule qu’en cas de défection d’un candidat, il y a report de l’élection. Autant dire que la menace de retrait de la candidature de Soumi n’est qu’un pétard mouillé.