Les instances onusiennes, pour l’heure, en ont décidé ainsi : face à la situation alarmante au Nord du Mali, l’organisation multilatérale se dit prête à prendre des sanctions, mais pas de mandat pour une force d’intervention. Nos compatriotes, quant à eux, se laissent de plus en plus convaincre que la clé de l’intervention militaire pour « libérer le Nord du territoire » n’est pas encore entre leurs mains. Il nous reste à contempler ce fossé avant de se décider à agir sérieusement en démentant l’évaluation négative portée sur nos capacités.
L’ONU tient un discours triangulaire. Or pour le Mali, de bons appuis, c’est la garantie d’un jeu solide et régulier. Le voyage annoncé du Premier ministre pour New- York tiendra-t-il toutes ses promesses ? Disons le tout net : des sanctions sans intervention, c’est un baiser Lamourette. Tout nous porte à dire que l’ONU nous aide pour la photo de famille. Ils vont à l’ONU jusqu’à refuser cette sorte de concubinage avec la CEDEAO dans cette affaire du Nord du Mali. Devant la menace sourde et permanente d’une « terreur portée chez eux » dans ces pays qui se diraient prêts à nous porter assistance. Les islamistes, quant à eux, pourront continuer à dormir encore un temps dans le canapé d’un salon sahélien car l’ONU a l’air et la chanson.
Les jeunes ne s’en souviendront peut-être pas : c’est qu’au début de nos indépendances, à Bamako, un air populaire était fredonné ici à la suite de la composition d’un de nos meilleurs chansonniers d’alors. Le Congo-Léopoldville venait de perdre le grand homme, Patrice Lumumba, assassiné dans les conditions que l’on sait. Cette chanson dénonçait « l’honneur des gens de l’ONU, avec la complicité desquels la poudre de fusil fournie au lièvre avait pu tuer le grand éléphant… ». Cette chanson nous revient- elle en mémoire ? L’impression du jour : il semble qu’au moment où les Maliens font de la marche avant, les instances onusiennes sont dans la marche arrière. Et notre pays n’est pas encore sorti du pot au noir, nous voulons dire de cette sorte de dépression, nos querelles intestines au Sud s’enroulant en un nœud coulant autour de nos perspectives au Nord. Tout se passe donc comme si ces dernières semaines, on n’avait pas encore fait le constat de l’abandon « d’un Mali d’à côté… ». Qui miserait donc sur un vieux cheval de retour ? Les Maliens, bien sûr.
Naïveté et méthode Coué ne résolvent rien
Va-t-on rester longtemps encore « scotché » aux décisions onusiennes ? Qu’on ne pourra rien y faire ! L’avis n’est pas partagé si les Maliens sont à même d’ouvrir un œil ou de tendre une oreille. Nos anicroches avec l’ONU nous en font prendre pour notre grade. Voilà qu’on va jusqu’à dire qu’il existerait une sorte de « Mali bashing », comme le disent les Anglais, c’est-à-dire un dénigrement systématique sur nos capacités militaires de riposte dans les couloirs onusiens. La Maison Blanche, qui n’est pas loin de ce Palais de verre, laisse filer la rumeur et pointe son index « avertisseur » en direction et du Mali ; et de la CEDEAO. Mieux, assure-t-on, sans un Sud apaisé, avec un pouvoir conséquent non habillé de treillis, on douterait que le Mali puisse se hisser à ce niveau requis. Que nous apprend- on enfin pour ce qui est de l’utilisation d’une force d’intervention tout de suite ? Ceci, à savoir : « On vous avait prévenu, cela ne pouvait que déraper… ». Disons que si on avait pu se défendre tout seul dans cette affaire, on ne nous aurait rien demandé. Pourvu que ne vienne pas à s’installer cette idée qu’entre nos partenaires extérieurs et nous, nous faisons deux chemins opposés.
Le problème est que les décisions onusiennes conditionnent désormais notre quotidien et vont formater le comportement de nos négociateurs et autres diplomates. Pourquoi coopère-t-on ? Voilà une de ces questions de l’intergouvernementalité de nos relations multilatérales. Peut- on dire que les acteurs, de part et d’autre, sont soucieux de pédagogie dans la résolution de cette crise au Nord ? Quand on voit que les jeux des premiers l’emporteraient sur les règles. Les Etats sont souvent mal à l’aise avec l’ONU qui ronge leur puissance. Aujourd’hui, au Mali, on ne peut pas relayer toutes les colères et celles de nos populations du Nord qui sont de moins en moins représentées. Il y a de la résignation rageuse dans l’air. Le tango est une danse au corps à corps à nulle autre pareille. Celui qui mène la danse doit pouvoir faire attention au « mortel coup de pied » que sa partenaire peut faire semblant de lui donner.